mercredi 22 décembre 2021

Enquête photo #12 : mais d'où sort ce douanier ?

Voici une photo qui m'a donné beaucoup de fil à retordre. Elle me vient, comme tant d'autres, de ma chère cousine Paulette Coquelet (Paris 1918 - Longjumeau 2002), plus exactement cousine issue de germains de ma grand-mère paternelle, dont j'ai tant et tant parlé sur ce blog. Si cette photo ainsi que toute sa collection est entre mes mains aujourd'hui, c'est parce que Paulette n'a jamais eu d'enfants et qu'elle ne connaissait pas ses neveux. Elle est donc devenue très proche de ma famille et je la considère comme une grand-mère de substitution, ma grand-mère réelle étant décédée prématurément en 1970.

Bref ! Voyons un peu cette photo dont l'enquête a débuté en 2016 !




Cette photo, que je datais d'avant la Grande Guerre ou du tout début, nous montre deux soldats dans des uniformes peu communs de mon avis. N'étant pas expert en uniformes militaires, j'ai d'abord fait appel aux spécialistes en la matière sur le Fil d'Ariane : réponse catégorique pour la personne de gauche, c'est un douanier en raison de la grenade et du cor qui apparaissent sur le collet. En revanche, pas d'idée précise sur la seconde personne. Je décide donc dans un premier temps de me concentrer sur ledit douanier.

Pour l'anecdote, au départ j'ai cru que c'était un soldat d'un régiment de territoriale car j'ai pris le cor et la grenade pour une ancre marine.

L'impasse du douanier

 
Ma chère Paulette est née en 1918 et sa soeur en 1910. Elles n'avaient pas de frère. J'ai donc concentré les recherches sur les oncles, voire grands-oncles mais je me suis vite cassé le nez :
  • leur mère Marie-Jeanne Leroy (Liez 1892 - Paris 1988) avait 3 frères :
    • Arthur Honoré Leroy (1878-1942) a fait partie de plusieurs régiments d'artillerie ;
    • Alfred Athanase Leroy (1883-1959), je l'avais déjà identifié sur d'autres photos ;
    • Jean Gabriel Leroy (1887-1981), a fait partie de plusieurs régiments d'artillerie comme l'aîné.
  • leur père Charles Coquelet (Saint-Quentin 1889 - Paris 1932) avait 2 frères et un beau-frère :
    • Firmin (1889-1933), jumeau, déjà identifié par ailleurs ;
    • Louis Charles (1892-1959), également ;
    • Gabriel Pradillon (1905-1959) : trop jeune et de toute façon exempté du service militaire.
  • leur grand-mère paternelle Marie Catherine Prudence Olivier (Inchy-en-Artois 1864 - Garches 1941) avait 3 frères dont 2 trop âgés mais reste :
    • Alfred Charles Joseph Olivier (1873-1916) : il n'a fait partie que du 120e RI donc ça ne colle pas.
  • Quant aux autres branches, leurs membres étaient soit trop âgés soit déjà identifiés.
 
La plupart des ancêtres et collatéraux des sœurs Coquelet étant de l'Aisne, je me suis tourné vers la base indexée des registres matricule des AD du département, une recherche par profession étant possible. En indiquant douane ou douanier dans le champs idoine, cela me retourne une liste de noms, environ une trentaine de mémoire. Malheureusement, aucun de ces noms n'a apporté de pierre à l'édifice. De plus il faut savoir qu'un douanier à la vie civile ne se retrouve pas forcément dans un régiment de douaniers et inversement...

J'étais donc dans une impasse.
 

Des recherches étendues

 
Plus tard, en élargissant mes recherches, je suis tombé sur un individu qui aurait pu faire l'affaire : Paul Léon Ernest Carlier (Remigny 1877 - Abbeville 1943) : il avait un menton à fossette comme l'homme de la photo et a eu le grade caporal ce qui est corrélé avec les deux galons que l'on peut distinguer. Mais cette piste est vite balayée : Paul Carlier a fait partie d'un régiment du génie avant d'être affecté spécial dans une section de chemin de fer de campagne. Qui plus est, pour moi c'était mon arrière-arrière-grand-oncle mais pour Marie-Jeanne Leroy ce n'était que le demi-frère de son cousin germain par alliance...
 
Ensuite, je suis revenu à Marie-Jeanne Leroy, mère de Paulette. Elle est devenue veuve en 1932 et ne s'est jamais remariée - 56 ans de veuvage - par la suite. J'ai tout de même vérifié les recensements parisiens de 1936 et découvert la présence d'un certain Albert Kromer résidant avec la famille Leroy-Coquelet ! Après recherche, il s'agit d'Alfred Gabriel Joseph Kromer (Givet 1885 - Paris 1937), un veuf ayant deux fils majeurs au moment dudit recensement.  

Cet Alfred dit Albert Kromer, qui n'a donc vécu que 5 ans avec Marie-Jeanne Leroy, aurait-il pu laisser des photos dans le foyer ? C'est évidemment possible mais là encore cette piste semble être mauvaise : après vérification de sa fiche matricule on constate que lui aussi a été un affecté spécial aux sections de chemin de fer de campagne avant et pendant la Grande Guerre. De plus, la description physique ne semble correspondre à aucun des deux soldats de la photo.

Et la photo continua de me hanter jusqu'en 2021...


Une trouvaille inattendue

 
Depuis 2019 et ma rencontre avec Eric Bayle, spécialiste des uniformes militaires, au salon de la généalogie de Paris XV, qui m'a confirmé que les deux gaillards étaient des douaniers, j'avais mis cette enquête de côté.
 
C'est tout récemment, au mois de décembre de 2021, au gré de mes errements généalogiques, que j'ai voulu en savoir d'avantage sur Albert Kromer. J'ai donc utilisé la fonction "correspondances intelligentes" de Geneanet et suis rapidement tombé sur un arbre dont le de cujus n'est autre que l'arrière-petit-fils d'un frère d'Albert Kromer, Eugène. Et que vis-je alors sur la fiche de son sosa 8 ? Cette photo :
 
 
 
Eugène et Edmond Kromer - source : famille Kromer

 
Cette photo a été prise au même endroit ! Et le soldat de gauche correspond tout à fait à celui de droite sur la mienne ! Ni une, ni deux, je prends contact avec la propriétaire de l'arbre qui n'est autre que l'épouse du de cujus. Après plusieurs échanges on en conclut que la personne de droite sur ma photo est bien Eugène Kromer, malheureusement mort pour la France en 1915 tout comme son jeune frère. En revanche, nous avons aucune certitude sur la personne portant l'uniforme de douanier. Notre hypothèse reste malgré-tout centrée sur Albert Kromer malgré la divergence d'uniforme et de signalement (le menton) car les deux photos ont été prises devant la maison des parents des frères Kromer. Concernant l'uniforme, il ne faut pas oublier que les armées ont souffert des pénuries de l'hiver 1914-1915. Par ailleurs, Eugène Kromer, qui était sous-lieutenant au RI 348, ne porte pas non plus un uniforme y correspondant...


Conclusion

 
Malgré ces bizarreries, j'ai pu identifier formellement une des deux personnes ce qui était au départ inespéré. Et finalement, il y a eu deux cadeaux de Noël :
  • Une enquête résolue pour moi ;
  • Une photo supplémentaire pour la famille Kromer : je leur ai envoyé l'originale.

Il me reste à présent un nombre conséquent de photos issues de la collection de Paulette Coquelet qui ne demandent qu'à être identifiées...

1 commentaire: