mardi 19 avril 2022

Je déteste le 19 avril


Des dates, le généalogiste en cumule, en collectionne, ne les voit même plus. Elles font tellement partie intégrante de l'histoire familiale qu'elles en deviennent banales, des données parmi tant d'autres. Alors, on ne fait même pas attention quand certaines se répètent. Après tout, la probabilité que plusieurs évènements d'un grand arbre surviennent le même jour semble élevée, non ? Mais quid des évènements relativement récents ? Ne sautent-ils pas aux yeux ? Eh bien, moi, je déteste, je hais, j'abhorre le 19 avril. Voici pourquoi : 3 années successives, 1969, 1970 et 1971, 3 années de deuil pour une même famille. Bien que je n'ai pas connu les personnes concernées de leur vivant, je connais suffisamment leur histoire et celle de ceux qui leur ont survécu pour que j'y pense à chaque funeste anniversaire.


Berthe Louise Irma Nique (1888-1969)


Berthe était mon arrière-grand-mère. Elle est née à Remigny (Aisne) en 1888 d'Adolphe (1864-1924) et Irma Polixène Leroy (1864-1920). Elle a une sœur, Désirée Berthe Jeanne, dite Jeannette, née en 1899 à Paris. J'en parlerai plus loin. Berthe se marie en 1913 avec Paul Victor Bousse (1888-1942) dont j'ai déjà parlé sur ce blog. Ce dernier, retenu captif par les Allemands, demandera le divorce à son retour en France en 1920. Ma grand-mère, Gisèle, sera l'unique enfant de cet éphémère mariage et ne connaîtra pas son père. Elle aura en revanche un beau-père Paul Emile Lécluse (1879-1943) dès 1928. La famille ainsi recomposée vivra entre l'Aisne et Paris, au gré des affectations de Paul au chemin de fer. 

Berthe aura une vie relativement longue car elle quitte finalement notre monde le... 19 avril 1969. Je ne connais pas les circonstances exactes de son décès qu'on pourrait imputer à son âge mais parmi les nombreuses lettres que nous avons conservées d'elle et de sa sœur, j'en ai découvert certaines où elle faisait part de son inquiétude quant à une tumeur qu'elle avait sous le bras. Toujours est-il que son décès fut un choc pour sa fille (ma grand-mère), son petit-fils (mon père) qu'elle avait élevé pendant dix ans et sa sœur Jeannette.


Berthe, enfant, adulte et âgée - photos personnelles

Berthe et son second mari reposent au cimetière de Château-Thierry.


Gisèle Victorine Adeline Yvonne Bousse (1914-1970)


Gisèle est donc ma grand-mère, fille de Berthe. Cette grand-mère que j'aurais tant aimé connaître mais qui nous a été enlevée peu de temps avant le mariage de mes parents.

Gisèle est née à Etampes-sur-Marne (Aisne) le 22 septembre 1914. C'est sa grand-mère Irma qui déclare la naissance étant donné que son père est quelque part au front. Elle restera dans cette petite commune toute son enfance avant de déménager à Château-Thierry vers l'adolescence. En 1931, elle démarre sa carrière à la compagnie de chemin de fer qui deviendra plus tard la SNCF. Elle vit alors dans le 10e arrondissement de Paris. Durant la seconde guerre mondiale, elle fait la rencontre, dans la salle d'attente d'une voyante, de mon grand-père, Marcel. Comme ce dernier sera requis du STO à Berlin, il se passera quelques temps avant qu'ils ne se marient, en août 1945. Leur unique enfant, mon père Bernard, naîtra à Aubervilliers en 1947. 

Gisèle fera toute sa carrière à la SNCF jusqu'en 1969, année du décès de sa mère, où elle prend sa retraite après 38 ans de bons et loyaux services. Et le moins qu'on puisse est que ce fut pas 38 ans de tout repos. Elle travaillait dur et sacrifiait quasi tous ses week-ends tant et si bien qu'elle avait dû confier son fils à sa mère. Bon, ce n'était pas uniquement que pour cette raison mais je ne vais pas m'étendre ici. Cette retraite donc bien méritée ne durera malheureusement pas bien longtemps car l'année suivante, elle fut prise de terribles maux de ventre alors qu'elle se réjouissait du mariage à venir de son fils. Admise à la clinique de la Roseraie d'Aubervilliers, elle y fut opérée mais mourut à peine 2 heures après son réveil. Son cancer était bien trop avancé en ce 19 avril 1970... Aujourd'hui, elle repose au cimetière de Longjumeau auprès de son mari, sa belle-mère et mon père.


Photo de Gisèle utilisée pour sa première sépulture au cimetière parisien de Pantin


Théodosie Geneviève Pelletier (1877-1971)


Théodosie Geneviève Pelletier a de multiples liens de parenté avec mon arrière-grand-mère Berthe. C'était en premier lieu sa tante paternelle par alliance : elle était l'épouse du demi-frère (Paul Léon Ernest Carlier) de son père (Adolphe Nique), mais elle était plusieurs fois sa cousine à des degrés divers. Il faut dire qu'elles sont issues du même village où les mariages entre cousins plus ou moins éloignés n'étaient pas rares. 

Théodosie et Paul Carlier (1877-1943) se marient en 1902 à Quessy (Tergnier, Aisne) où naît leur unique fille Paulette (1903-1982). La famille s'installe peu après à Abbeville, dans la Somme. La distance entre les deux familles ne les a pas empêchées de rester très proches à en juger leur correspondance régulière jusque dans les années 50 que mes aïeules ont conservée précieusement.

Malgré cela, je ne connais que peu de choses sur cette famille hormis leur postérité, Paulette ayant eu 4 enfants, dont un est toujours en vie en cette année 2022. Il m'en reste encore bien à découvrir... 

Paul Carlier, qui était mécanicien de route au chemin de fer du Nord, prend sa retraite en 1928 dont il profitera une quinzaine d'années avant d'expirer pour la dernière fois à l'âge de 66 ans en pleine seconde guerre mondiale. C'était en 1943, tout comme Paul Lécluse. Quant à son épouse Théodosie, elle survécut à son mari mais aussi à sa nièce et sa petite nièce puisqu'elle s'en ira à son tour le 19 avril 1971 de « causes naturelles » dans sa 94e année.

La famille Carlier repose aujourd'hui au cimetière de Caubert, commune limitrophe d'Abbeville.


Le tourment de Désirée Berthe « Jeannette » Nique (1899-1979)


Comme indiqué au début de ce billet, Désirée était la sœur de mon arrière-grand-mère Berthe, de 11 ans sa cadette. Elle est née dans le 19e arrondissement de Paris. Il y a bien eu d'autres enfants nés entre les deux sœurs mais ils sont tous morts en bas âge. Berthe et Désirée sont ainsi les seules survivantes de toute la fratrie. 

Désirée s'est mariée deux fois : la première fois en 1921 avec Auguste Bégard (1895-1965) avec qui elle a un fils, Marc (1923-1989). Divorcée en 1928, elle se marie une seconde fois en 1941 avec Roger Denisot (1911-1980) avec qui elle vivra entre Château-Thierry et Argenteuil.

Mais non, la tante Jeannette, comme l'appelait mon père et que mon frère a connue, n'est pas décédée un 19 avril mais cette date l'a pour ainsi dire hantée tout le reste de sa vie, selon les propos rapportés par une de ses petites-filles. Traumatisée par ce syndrome de l'anniversaire, sujet de psychogénéalogie, elle répétait à l'envi qu'elle allait partir le même jour que sa sœur et sa nièce ; mais c'est finalement le 6 août 1979 à Château-Thierry que son livre se referma.



Jeannette Nique et Roger Denisot en 1978 - photo personnelle



L'ironie du sort


Ce trop fameux 19 avril a aussi hanté l'esprit de mon père, disparu il y a 5 ans à seulement 69 ans. Pas seulement cette date en ce qui le concerne mais aussi les causes du décès de sa grand-mère et de sa mère. Il était persuadé qu'il allait lui arriver la même chose et quand il est tombé malade à son tour au cours du printemps 2017, j'ai moi-même pensé à ce fichu 19 avril. Son cancer a finalement été diagnostiqué le 19... Juillet. Pas de quoi devenir superstitieux pour autant mais on (je ?) ne peut pas s'empêcher d'y penser.


Mais l'ironie du sort se trouve aussi du côté de ma mère et je terminerai là-dessus : ses parents se sont mariés le 19 avril 1931. C'était un mariage arrangé, ils ne s'étaient vus qu'une seule fois avant de se passer la bague au doigt. Je ne vais pas m'en plaindre car autrement je ne serais pas là en train de taper ses lignes. Non, le plus cocasse dans tout ça, c'est qu'on a trouvé le moyen de me baptiser le jour de leurs noces d'or, le 19 avril 1981.


5 commentaires:

  1. Ils ont conjuré le mauvais sort, ton baptême a rétabli l'équilibre, tout ira bien maintenant

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  2. Je suis toujours un peu à la bourre sur la lecture d'articles et je découvre celui-ci, il y a des dates obsessionnelles et synonymes dans les familles, j'espère malgré tout que d'autres 19 avril viendront apporter un peu plus de joie.

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  3. Mince je n'avais pas vu que j'étais anonyme au moment de poster !

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  4. Mon père est né le 19 avril 1946 et l avant dernier de ses frères est né le 19 avril 1958

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  5. C'est début septembre pour moi qui est difficile : le 5 septembre 2003, ma maman est décédée, le 3 septembre 2014, mon papa a eu un avc, le 3 septembre 2021, mon fils a eu un grave accident de vélo

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