samedi 3 décembre 2022

Les entrelacs





Qu'est-ce que des entrelacs ? Le Larousse donne une définition simple : « ensemble de choses entrelacées; entrelacement. » En ferronnerie, on en voit souvent des exemples, de ces tiges entrelacées constituant un garde-corps, une clôture ou une simple barrière. Mais qu'est ce que ce mot vient faire en généalogie, me demanderez-vous ?

Lorsque j'ai enfin retrouvé l'acte de décès de mon AAGP Paul Victor BOUSSE (Pont-à-Mousson 1857 - Meaux 1935) après plusieurs années de recherches et plus de cent tables de successions et absences, entre autres, je pensais avoir refermé le livre de son histoire avant de passer à une autre recherche. Que nenni.

En lisant cet acte, j'ai fait tout le contraire. J'ai ouvert une armoire remplie de tiroirs eux-mêmes constitués de milliards de compartiments. L'exagération du nombre sert simplement à souligner comment j'ai découvert que quatre familles étaient mêlées les unes aux autres de bien des façons. Des destins entrelacés.

Je vais donc vous décrire comment les familles BOUSSE, FOURNILLON, VINCENT et WALPOEL ont évolué à travers leur temps. Je vais leur attribuer à chacune une couleur pour rendre le récit comestible. Je ne vais de toutes façon pas être exhaustif et ne garder que les éléments qui ont une utilité commune à ces familles.


La famille BOUSSE


Paul Victor BOUSSE est né en 1857 à Pont-à-Mousson, actuelle Meurthe-et-Moselle (54) de Jean Baptiste BOUSSE (1820-1879) et Barbe dite Victorine VINCENT (1830-1874). Après un passage à Verdun et un service militaire en Algérie, il s'installe à Reims où il épouse Adeline GODOT (Neuflize 1857 - Les-Pavillons-sous-Bois 1932) en 1880. Ensemble, ils auront quatre enfants mais un seul qui atteindra l'âge adulte et qui porte les mêmes prénoms que son père :
  • Paul Victor BOUSSE (fils), mon AGP, sosa 18 de mes filles, est né en 1888 à Reims. Il vivra avec ses parents à Reims puis à Neufchâtel-sur-Aisne (02) puis sera domicilié au Perreux-sur-Marne (Seine, actuel Val-de-Marne) au moment de son service militaire. Peu après son premier mariage, il part au front de la Grande Guerre et sera fait prisonnier en Allemagne. Il en revient, divorce de mon AGM et s'installe entre Livry-Gargan et Les-Pavillons-sous-Bois (actuelle Seine-Saint-Denis). Il se remarie en 1920 avec Louise BOBAN dans cette dernière commune. Parmi les témoins, on trouve une certaine Virginie HARDY (Maubeuge 1846 - Nanteuil-lès-Meaux 1931) veuve VINCENT. Le couple aura une fille, Yvonne, qui n'est pas impliquée dans ce billet.
En 1931, on retrouve les familles BOUSSE père et fils, résidant ensemble aux Pavillons-sous-Bois. Adeline GODOT y meurt à la fin de l'année 1932. Paul Victor BOUSSE (père) disparait ensuite de cette commune. J'aurais pensé qu'il serait resté chez son fils mais il n'en a rien été. Comme indiqué en introduction, c'est à Meaux que j'ai retrouvé son acte de décès, en 1935. Il y est indiqué qu'il était domicilié dans la commune voisine de Nanteuil-lès-Meaux (Seine-et-Marne), au hameau de Chermont. Retenez aussi bien les patronymes que les communes, c'est important.



La famille FOURNILLON


On commence par Germain FOURNILLON (Montillot 1846 - Villejuif 1910) qui épouse en 1875 à Paris Louise Elisa DELPEROUX (La Chapelle 1853 - ?). Ils divorceront en 1896 après avoir eu trois enfants :
  • Adolphe FOURNILLON (Paris 1878 - Livry-Gargan 1965), parmi les témoins à la déclaration de la naissance, il y a un certain Gorgon VINCENT. On y reviendra. Après quelques années de vie commune sans mariage et un enfant mort en bas âge avec Louise LOIGEROT (1883-1908), il épouse en 1910 Marie Emile VINCENT (Paris 1869 - Les-Pavillons-sous-Bois 1917), la fille de Gorgon et Virginie HARDY, aux Pavillons-sois-Bois. Parmi les témoins, il y a une nommée Eugénie WALPOEL. Ils auront ensemble une fille, Marguerite (Paris 1911 - Livry-Gargan 1997). Il existe une biographie d'Adolphe sur le Maitron.
  • Germaine FOURNILLON (Noisy-le-Sec 1881 - ?) qui épouse en 1902 à Livry-Gargan, Jean Alexandre BALMOUSSIERE (Paris 1879 - Moussy-Verneuil 1915). On retrouve parmi les témoins Adolphe FOURNILLON, Gorgon VINCENT et Marie Emilie VINCENT.
  • Amélie FOURNILLON (Noisy-le-Sec 1886 - Nice 1970), célibataire, dont le sort ne nous intéresse pas ici (désolé pour elle).


La famille VINCENT


Voici Gorgon VINCENT, que l'on retrouvera souvent ici et là. Il est né à Nancy en 1840 et passera son enfance à Nomeny, toujours dans le département de la Meurthe-et-Moselle. Il est le fils de Joseph (Bourmont 1802 - Saint-Dié-des-Vosges 1849) et de Catherine HOGNON (Nomeny 1802 - id. 1860). Il également le cousin germain de Barbe VINCENT, la mère de Paul Victor BOUSSE père.
On retrouve Gorgon, imprimeur en taille douce, à Paris à partir de 1860 où il a d'abord deux filles avec Clémence POTRAT (Varennes 1838 - Bordeaux 1875) qu'il n'épousera jamais :
  • Marie Héloïse Rosa (Paris 1860 - id. 1947) qui sera élevée à Varennes par ses grands-parents maternels et n'entendra plus jamais parler de son père ;
  • Léonie, Marie, Amélia (Paris 1862 - Nomeny 1943) qui, contrairement à sa soeur, restera avec son père qui sera présent à son mariage avec Joseph FISCHER en 1886. Le couple vivra à Asnières-sur-Seine puis à Malakoff. Léonie s'éteindra à Nomeny, fief de ses grands-parents paternels, décédés avant sa naissance.
Entre temps, toujours à Paris, Gorgon épouse Virginie HARDY en 1869. Ensemble, ils auront quatre enfants :
  • Marie Emilie, l'épouse d'Adolphe FOURNILLON, en 1869. Elle vivra chez ses parents au moins jusqu'en 1902. On la retrouve en 1910 aux Pavillons-sous-Bois avec sa mère seulement quand elle épouse ledit Adolphe. Elle y expire pour la dernière fois en 1917 à seulement 47 ans ;
  • Victor Léon, né à Paris en 1870 mais décédé la même année à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), en nourrice ;
  • Clémence Virginie, née à Paris en 1872, y décédée en 1896 sans postérité. On notera la référence à la première compagne de Gorgon dans ses prénoms ;
  • Clotilde, née à Paris en 1874 et décédée en 1881 à l'âge de 7 ans.
Gorgon VINCENT n'aura donc pas vu sa fille aînée se marier et Virginie HARDY aura malheureusement survécu à tous ses enfants.

Puis en 1921, lorsque Virginie HARDY est témoin du mariage de Paul Victor BOUSSE (fils) et Louise BOBAN, elle est dite domiciliée à la même adresse que ledit couple. Or, c'est dans les recensements de Nanteuil-lès-Meaux que je la retrouve la même année. Elle y est recensée au hameau de Chermont avec, dans le même logement, Eugénie Louise WALPOEL (Paris 1868 - ap.1938 ?), Rose Ernestine Clotilde BLUTEL (Nanteuil-lès-Meaux 1893 - Breuil-le-Sec 1980) et Henri Benjamin BRAULT (Loudun 1887 - ?). En 1926, elle vit toujours au même lieu et avec les mêmes personnes, sauf Eugénie WALPOEL. Enfin, en 1931, juste avant son décès à l'âge de 84 ans, elle est recensée seule à une autre adresse de Nanteuil-lès-Meaux. Son décès sera déclaré par Adolphe FOURNILLON, son gendre.



La famille WALPOEL


Rosalie Sophie WALPOEL est née en 1839 à Wormhout (Nord). Elle sera fille-mère à deux reprises :
  • Eugénie Louise WALPOEL, née à Paris en 1868 de père inconnu. Elle ne sera reconnue que très tardivement par sa mère, en 1892, sans doute pour qu'elle puisse se marier. Sur l'acte de reconnaissance à Paris, on retrouve Gorgon VINCENT

Acte de reconnaissance d'Eugénie Louise WALPOEL par sa mère - Paris 20e 1892 - AD75
  • Eugénie se marie ensuite à Nanteuil-lès-Meaux avec Louis Théodore BLUTEL (Nanteuil-lès-Meaux 1857 - id. 1893) dont elle deviendra veuve seulement sept mois plus tard. Leur fille Rose Ernestine Clotilde BLUTEL naîtra après le décès de son père. Elle-même se mariera à trois reprises sans avoir d'enfants :
    • 1911, Nanteuil-lès-Meaux, avec Maurice Eugène REGNIER (1888-1936), divorcés. Parmi les témoins du mariage, on retrouve... Adolphe FOURNILLON, alors le gendre de Gorgon VNCENT !
    • 1928, Nanteuil-lès-Meaux, avec Henri Benjamin BRAULT (1887-?), divorcés ;
    • 1938, Saint-Martin-sur-le-Pré (Marne), avec Paul René LAUNE (Péroy-les-Gombries 1904 - Meaux 1977). Sur l'acte de ce mariage, Eugénie WALPOEL est indiquée comme domiciliée à Sombernon en Côte d'Or. Je perds sa trace ensuite.
  • Louise Eugénie WALPOEL (quelle originalité !), née aussi à Paris en 1872 mais décédée en nourrice à Beugneux (Aisne) en 1873.
Rosalie se marie quelques semaines avant sa fille avec Louis François CHAMBEAUT (Pierre-Levée 1837 - Levallois-Perret 1893) à Levallois-Perret à la fin de l'année 1892. Elle en deviendra veuve l'année suivante. On notera la coïncidence (j'espère que c'en est bien une) comme quoi mère et fille se sont retrouvées veuves la même année peu après leur mariage. Rosalie finira ses jours à l'hôpital de la Salpêtrière en 1921.




Extrait du recensement de Nanteuil-lès-Meaux (1926) - Henri Brault est indiqué comme non parent car pas encore marié avec Rose Blutel. On notera que Virginie Hardy est indiquée comme étant la tante de Rose Blutel alors qu'au mieux elle serait sa... belle grand-mère.




Représentation graphique


Pas facile d'y voir clair après toutes ces descriptions alors pour nous rendre un peu la vue, voici d'abord un arbre simplifié montrant les quatre familles :


Arbre de descendance élaboré sous Heredis puis retouché sous Gimp - cliquez pour agrandir



Ensuite, j'ai essayé de mettre en évidence les relations entre les différents membres avec un diagramme, simplifié au maximum possible :

Diagramme élaboré avec app.diagrams.net - cliquez pour agrandir



Les questions qu'on est en droit de se poser


Parmi tout ce méli-mélo, il y a des interrogations qui surviennent. En résumant les entrelacements familiaux détaillés ci-dessus, on voit que :
  • Gorgon VINCENT est témoin de la reconnaissance d'Eugénie WALPOEL ;
  • Eugénie WALPOEL est témoin du mariage de Marie Emilie VINCENT et Adolphe FOURNILLON ;
  • Adolphe FOURNILLON est témoin du mariage de Rose BLUTEL et Maurice REGNIER ;
  • Virginie HARDY, veuve, se retrouve à habiter avec Eugénie WALPOEL et Rose BLUTEL plutôt qu'avec son gendre et sa petite-fille, Adolphe et Marguerite FOURNILLON.

Question 1 : Gorgon VINCENT est-il le père biologique d'Eugénie WALPOEL ? La probabilité semble très élevée au regard de l'énoncé précédent. Il n'aurait jamais pu la reconnaître car il était marié avec une autre femme que sa mère. Il n'était pas encore marié avec Virginie HARDY lors de sa naissance mais devait déjà la fréquenter.

***
  • Gorgon VINCENT est témoin de la déclaration de naissance de son futur gendre, Adolphe FOURNILLON, en 1878 ;
  • Gorgon et sa fille Marie Emilie sont également témoins du mariage en 1902 de Germaine FOURNILLON, sœur d'Adolphe, alors qu'ils n'ont pas encore de liens d'affinité, Adolphe et Marie Emilie ne s'étant mariés que 8 ans plus tard.

Question 2 : Quels liens ont pu tisser les familles VINCENT et FOURNILLON pour être finalement aussi liés ? En 1878, Gorgon VINCENT et Germain FOURNILLON étaient voisins mais n'exerçaient pas le même métier, le premier étant imprimeur et le second, charcutier. Était-ce simplement vénal ?


***


  • En 1933, lors de la déclaration de succession d'Adeline GODOT, son mari Paul Victor BOUSSE (père) vivait encore chez son fils aux Pavillons-sous-Bois, ce dernier étant décédé à l'Hôpital Tenon (Paris 20e) en 1942 ;
  • En 1935, il vivait dans le même hameau de Nanteuil-lès-Meaux, qu'Eugénie WALPOEL et sa fille Rose BLUTEL mais également dans cette même commune où l'épouse de son cousin Gorgon VINCENT a fini ses jours.

Question 3 : Mais qu'est-il allé faire là-bas ?



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Et la question subsidiaire 


Vous aurez peut-être remarqué qu'il me manque un acte de décès, celui de Gorgon VINCENT. A ce jour, je ne l'ai toujours pas trouvé. Il est décédé dans aucune des villes que j'ai citées jusqu'ici : Pas à Paris, ni aux Pavillons-sous-Bois, pas plus à Nanteuil qu'à Livry-Gargan. J'ai parcouru des dizaines et dizaines de tables décennales et de tables de successions et absences de l'Île-de-France, de l'Oise, de l'Aisne, de la Meurthe-et-Moselle et j'en passe… Tout ce que je sais, c'est qu'il a quitté ce monde entre 1903 et 1910, sa dernière adresse connue étant à Paris 10e arrondissement.

Si quelqu'un a une idée…