Mais celui auquel je pense le plus est le père de ce dernier, Joseph Bourdin-Grimaud, né en 1881 à Pantin. Il était cocher-livreur. Et que livrait-il ? Et bien du vin en tonneaux pardi ! Tandis que je continue de descendre mon breuvage, je me remémore cette fameuse photo qui s'est transmise de génération en génération :
Café situé à Pantin dans les années 20. A gauche : Joseph Bourdin-Grimaud - archive familiale |
Joseph est présent sur cette photographie datant des années 20, le tout premier sur la gauche. Je sais par sa fiche matricule qu'il n'était pas très grand - 1 mètre 55 - ce que la photo confirme au regard des autres protagonistes. Je me demande alors, mais comment un homme de ce gabarit pouvait décharger des tonneaux de vin aussi lourds ? Mon père, qui ne l'a pas connu car décédé 20 ans avant sa naissance, me racontait qu'il les faisait tenir sur son ventre proéminent. OK, une fois vides, je veux bien mais pleins, non, je ne vais pas croire à cette légende familiale !
- Dites donc mon gaillard, vous n'douteriez pas de moi, des fois ?
Subitement sortie de mes pensées, je lève mon nez de mon verre et l'aperçois en face de moi : Joseph ! Le petit homme rondouillard de la photo se présente bel et bien devant moi avec un demi-sourire asssuré.
- Non, mais je veux dire, balbutié-je alors, c'est que d'après mes recherches les tonneaux parisiens pouvaient contenir 773 litres, les barriques 402 litres, les feuillettes 133 litres... La plus petite contenance que j'ai trouvée est le quartaut, qui à Paris, était de 67 litres tout de même !
- Ah les quartauts, pour moi c'est facile ! Moi je transporte surtout des feuillettes ! Pour les plus grandes contenances, il faut s'y mettre à plusieurs. A moins d'en consommer un peu sur place, finit-il avec un rire à gorge déployée.
Quand j'y pense, je me dis que certains cochers ne devaient pas seulement se contenter de livrer... Mon AGP qui était si mince plus jeune a dû s'y adonner pendant ses heures de travail et j'imagine malheureusement pendant la Grande Guerre mais je m'égare, ceci est un autre sujet.
Je reviens donc à lui mais je constate qu'il s'apprête à partir.
- Comment, vous me laissez déjà ?
- Ben oui, c'est que j'ai du travail, moi ! Une tournée m'attend mon gars.
Nous retrouvons chacun notre occupation, lui à livrer son vin et moi à le boire.