mardi 30 juillet 2019

Se perdre dans les Bousse


Image gratuite Pixabay

Pour celles et ceux qui ont suivi ma recherche - sans succès à ce jour - de la tombe de mon AAGM Adeline Godot et in extenso de son époux Paul Victor Bousse, je vous délivre ici un billet dérivé concernant Marie Joséphine Bousse, la soeur de ce dernier. Si c'était une série TV, on appellerait cela un Spin-of.

Et je m'y perds dans les Bousse, d'où le titre de cet article qui est un jeu de mots avec le fait de s'égarer en forêt. En effet Bousse est tiré d'un toponyme (par exemple Bousse en Moselle) qui désigne grosso-modo un endroit couvert par les buis ou les buissons.

Commençons par une petite chronologie de Marie Joséphine Bousse.

Chronologie


  • 11 mars 1854 : naissance à Pont-à-Mousson, fille de Jean-Baptiste (Metz 1820 - Baccarat 1879) et de Barbe Victorine Vincent (Nomeny 1830 - Lunéville 1874). Elle est l'aînée de quatre enfants dont un décédé en bas âge.
  • 1863 : toute la famille vit à Strasbourg où nait et meurt le petit dernier Charles Paul.
  • 1872 : toute la famille vit à Lunéville.
  • 1874 : décès de sa mère Barbe Vincent à Lunéville.
  • 1879 : décès de son père Jean-Baptiste Bousse à Baccarat.
  • 14 septembre 1882 : à Pontault-Combault (Seine-et-Marne) naissance de sa fille Marie Fernande Adrienne Faurie dont le père est Louis Ernest Alexandre Faurie (Cahors 1855 - Montreuil 1917) qui vit à La-Ferté-Gaucher.
  • 31 mars 1883 : le couple se marie à Nogent-sur-Marne.
  • 20 mars 1885 : naissance à Nogent-sur-Marne de leur deuxième fille Marie Juliette.
  • 11 octobre 1886 : naissance à Nogent-sur-Marne de leur troisième fille Marie Lucie.
  • 4 août 1890 : naissance à Le-Perreux-sur-Marne de leur dernier enfant, un fils, Georges Jean-Marie.
  • 1897 : décès de Charlotte Bousse, sœur de Marie Joséphine, à Reims, où vit leur frère Paul Victor.
  • 1906 : La famille Faurie vit à Vincennes. Marie Fernande Adrienne et Marie Juliette se marient respectivement avec Attila Victor Persin et Auguste Léon Giraud.
  • 1909 : Marie Lucie se marie avec Paul Joseph Aymé Vernier.
  • 1910 : Georges se marie avec Germaine Pernet.
  • 1912 : Adrienne divorce.
  • 21 novembre 1917 : décès de Louis Ernest Alexandre Faurie à Montreuil au domicile du couple.
  • 25 mars 1921 : Marie Joséphine est citée dans la déclaration de succession de son époux. Elle habite alors à Saint-Mandé, rue Eugénie, qui deviendra par la suite la rue Poirier.
  • 1926 : elle habite toujours à Saint-Mandé, rue Poirier donc.
  • 1931 : elle est déclarée absente à la même adresse.
  • 1932 : elle est citée avec son frère Paul Victor sur la déclaration de succession de leur cousin germain Victor Christophe Bousse, décédé à Nomeny.
  • 1934 : elle est de nouveau citée sur une correction de ladite déclaration, toujours habitant à Saint-Mandé.
  • Après 1934 : ?

Extrait de la déclaration de succession de Victor Christophe Bousse en 1932 - bureau de Nomeny - AD54



Mais alors, où est donc passée Marie Joséphine ?

La recherche de l'acte de décès et/ou de la sépulture

 

Dans les communes où elle a vécu

 

Naturellement, on pense en premier à Saint-Mandé ! Et ça tombe bien les tables décennales sont quasi toutes disponibles en ligne jusque 1942 sur le sites des archives du Val de Marne. Mais cela aurait été trop facile ! Elle n'y est donc pas décédée. J'ai donc regardé dans les TD de toutes les communes du département, sans plus de succès. Quand les tables de successions et absences (cotes 3Q) ont été mises en ligne, je me suis rué dessus. Bec dans l'eau, nez dans le mur. Circulez, il n'y a rien à voir.

On fait donc la chronologie inverse de ses lieux d'habitation :
  • Montreuil, où est décédé son époux : non.
  • Vincennes : déjà fait évidemment.
  • Nogent-sur-Marne et Le-Perreux-sur-Marne : idem. NB : La commune du Perreux a été créée en 1887, avant c'était un secteur de Nogent.
  • Pontault-Combault : non, mais quelle idée d'aller chercher là ?
  • La-Ferté-Gaucher : non, idem.
  • Lunéville : non.
  • Baccarat : non.
  • Strasbourg : à quoi ça rime ?
  • Pont-à-Mousson : parfois les anciens retournent vivre sur les terres de leur naissance. Pas cette fois.

 

Suivre les enfants pour retrouver la mère ?

 

Georges Jean Marie FAURIE

Georges, photographe de profession, a vécu successivement à Paris, Tours, Bohain-en-Vermandois (Aisne), Pont-sur-Yonne (Yonne) puis de nouveau à Tours où il est décédé en 1958. J'ai donc recherché dans toutes ces communes s'il y avait la trace de sa mère, sans succès, vous l'aurez deviné. A Tours, j'ai même recherché dans les tables de successions et absences. J'ai également récupéré la déclaration de succession de Georges suite à son décès pour voir s'il y avait une quelconque mention de sa mère. Niet.
Par acquit de conscience, en profitant d'un voyage à Poitiers, je me suis rendu au cimetière tourangeau où Georges a été inhumé. La concession est échue depuis 2008 mais par chance la sépulture est toujours là. Maman Faurie n'y est évidemment pas. Mais au moins je peux clore la piste du fiston sans y revenir.

Marie Lucie FAURIE

Marie Lucie est décédée en 1976 dans le 18e arrondissement de Paris où elle a toujours vécu (à la même adresse) avec son mari Paul Vernier. Là, je ne vous cache pas que j'aurais pu gagner du temps si j'avais fait les recherches dans le bon ordre !
En effet, j'ai recherché pendant de longs mois (pas à temps plein, on se comprend) le lieu de son inhumation, dans les cimetières de Paris mais pas seulement, en vain. Son époux est décédé en 1948 à... Paris selon les TSA mais cette information était fausse ! Il m'a fallu demander sa déclaration de succession aux archives de Paris pour y voir plus clair. Il est en fait décédé à Groslay (Val d'Oise) où il était en déplacement. Il y possédait un terrain (dont il est fait mention dans la succession).
J'appelle donc la mairie de Groslay pour savoir s'il y a bien été inhumé. Oui ! Et Marie Lucie ? Non. Ah bon ? Oui oui. La concession est échue en 1978 et a ensuite été revendue.
Je reviens donc à la déclaration de succession qui m'apprend que le couple Faurie/Vernier avait une petite-fille, née en 1946. Il y avait donc de fortes chances qu'elle soit encore en vie. Je la retrouve dans les pages jaunes et décide de lui écrire une lettre en espérant que ce ne soit pas une homonyme.
Quelques semaines plus tard, elle me répond par courrier électronique ! Super ! C'est bien elle mais elle ne sait pas grand chose. Elle ne sait rien sur son arrière-grand-mère mais elle m'apprend que sa grand-mère Marie Lucie n'a pas de tombe ! Elle a en effet fait don de son corps à la science tout comme sa sœur Adrienne - au moins je n'aurais pas à perdre mon temps à chercher cette dernière.
Là aussi, je peux clore cette piste sans y revenir.

Acte de décès de Paul Joseph Aymé Vernier - Mairie de Groslay - photocopie


Marie Juliette FAURIE

Marie Juliette est décédée dans le 12e arrondissement de Paris en 1955 et son époux Auguste Giraud en 1948. Eux aussi ont toujours vécu à la même adresse. Leurs déclarations de succession respectives ne m'ont pas donné d'informations intéressantes. Ils ont eu deux enfants, décédés en 2001 et 2015 sans postérité. Pour retrouver leur sépulture je me suis donc tourné vers les registres des convois funéraires conservés aux archives de Paris, maintenant numérisés et en ligne. Cela m'a permis de retrouver leur sépulture à Saint-Mandé au cimetière Nord. Elle existe toujours aujourd'hui mais il n'y a aucune trace de maman Bousse-Faurie.


Transport du corps de Mme Giraud - AD75 - cote 2484W 71


Tombe du couple Giraud / Faurie - Cimetière Saint-Mandé Nord - photo personnelle



Marie Fernande Adrienne FAURIE

Je termine par la fille aînée qui a choisi Adrienne comme prénom d'usage. Elle a divorcé six ans après son mariage sans avoir eu d'enfants. Elle est donc revenue vivre chez ses parents, alors à Vincennes, dès 1912. En 1921, d'après la déclaration de succession de son père, elle habite à Paris, rue Lapérouse. En 1926, elle n'y est déjà plus. Elle est décédée à Créteil en 1975. Sur l'acte de décès elle est dite domiciliée place Charles Dullin mais je ne retrouve pas cette place dans les recensements de 1926 à 1936. Et pour cause ! Elle s'appelait place Dancourt à cette époque ! Une fois la lumière revenue à tous les étages de mon cerveau, je me suis donc rué de nouveau sur les recensements. Bingo en 1931 ! Elle y vit avec sa mère ! Ceci explique pourquoi cette dernière était déclarée absente de Saint-Mandé la même année. En 1936, Adrienne est toujours là, sans sa mère cette fois.


Recensement place Dancourt - quartier Clignancourt - 1931 - AD75 - cote D2M8 445

Recensement rue Eugénie - Saint-Mandé - 1931 - AD94 - cote D2M8 530


Mais alors, où est donc passée Marie Joséphine ?

Rechercher une sépulture de famille plus ancienne ?


C'est là que tout part en vrille, qu'on multiplie les pistes, qu'on se rajoute des énigmes dans l'énigme (sans l'aide onirique de Christopher Nolan, comprendra qui pourra).

Les parents de Marie Joséphine


Je ne reviens pas dessus car j'en parle déjà dans mon billet sur Adeline Godot.

La belle-famille de Marie Joséphine 


Je me suis d'abord intéressé aux parents de Louis Ernest Alexandre Faurie :

Jacques Alexis Faurie

Né en 1820 à Larroque-Toirac (Lot) et décédé en 1889 à Le-Perreux-sur-Marne, Jacques était professeur puis proviseur de Lycée ce qui l'a fait déménager souvent : Cahors, Toulouse, Melun...
Il n'a pas été enterré au Perreux. Comme il est décédé après son épouse, je pousse mes recherches de ce côté.

Sophie Adrienne Trillot


Née en 1833 et décédée en 1882 à Paris, Sophie Adrienne s'est mariée avec Jacques Faurie à Melun en 1854. Ils n'ont que deux enfants : Louis Ernest Alexandre donc et Marie Joachime Pauline Joséphine (1858-1939).
J'ai consulté le registre des convois funéraires de 1882. On y trouve bien une entrée pour Adrienne Trillot mais le cimetière de destination n'est pas indiqué comme très souvent dans ces registres avant 1900. On devine en revanche qu'elle a été transférée en dehors de Paris.
J'ai également consulté sa déclaration de succession qui fait état de possessions à Melun issues de l'héritage de ses parents.


Transport du corps d'Adrienne Trillot - AD75 - cote 2484W4


Passons au parents Trillot :

Jean-Louis Trillot

Né à Melun en 1802 d'un père creusois et d'une mère marnaise, Jean-Louis Trillot était marchand platrier et entrepreneur de charpentes. Il est décédé en 1873 dans la même ville.

Louise Adélaïde Emélie Cotelle

Née à Melun en 1807, elle y épouse Jean-Louis Trillot en 1829. Ils ont ensemble trois enfants :
  • Joséphine Emélie (Melun 1830 - Colombes 1918) non mariée, pas de postérité.
  • Sophie Adrienne citée ci-avant.
  • Ernest Louis (Melun 1837 - Cannes 1909), capitaine de frégate, marié à Paris en 1885 avec Ernestine Potel, veuve d'un M. Drapier, propriétaire à Seine-Port, pas de postérité. Son cas est intéressant, j'y reviendrai.
Louise quitte ce monde en 1879, à Melun.

Grâce à l'aide d'une gentille bénévole j'ai pu avoir accès à leurs déclarations de succession. On y apprend qu'ils étaient multi-propriétaires à Melun. Mais... Ils n'y ont pas été inhumés ! Tout cela parait invraisemblable ! Je suis vraiment tombé sur une famille spéciale !

Le cas Ernest Trillot


Ernest Trillot était capitaine de frégate, il s'est donc beaucoup déplacé au gré de ses missions. Je suppose que c'est pour cela qu'il s'est marié sur le tard et qu'il n'a jamais eu d'enfants. Il a été élevé au rang d'Officier de la Légion d'Honneur et Commandeur du Nicham. Du fait de sa profession à hautes responsabilités, il a sans doute fait fortune. Il est d'ailleurs décédé dans sa propre villa de Cannes, appelée très justement "La Frégate". Son faire-part de décès est disponible en ligne sur Geneanet mais il n'indique pas le lieu de son inhumation ! Sa veuve décède en 1915 dans la même villa. Je ne sais pas qui en a hérité mais cette information ne nous intéresse pas ici.


Faire-part de décès d'Ernest Trillot - source Geneanet - AD75 - cote V7E/DECES/115


Alors suis-je dans l'impasse ? Peut-être pas, car une recherche rapide sur Filae m'apporte une information intéressante : Ernest aurait été propriétaire d'un château à Seine-Port. Où se trouve Seine-Port ? à côté de Melun ! On y retrouve des Trillot inhumés dans son cimetière ! La bénévole évoquée plus tôt m'en a envoyé les clichés. S'il ne s'agit pas de mes Trillot, ils y sont forcément liés car Trillot n'est pas un patronyme seine-et-marnais.

Cette piste me semble donc sérieuse ! J'attends d'autres nouvelles de ce côté. Mais est-ce que retrouver les Trillot/Faurie m'amènera au couple Faurie/Bousse ? Rien n'est moins sûr.

Mise à jour du 03/01/2020 : 

Ernest Trillot a été inhumé au cimetière du Grand Jas à Cannes. La sépulture existe toujours et j'en attends un cliché.

A suivre !

Mise à jour du 12/09/2020 :

Miracle ! #Généajoie ! Grâce à l'opération Sauvons nos tombes de Geneanet, je l'ai retrouvée ! La tombe existe toujours et les dates y sont encore visibles ! Ils ont donc été enterrés à Melun, cimetière du nord... Melun, j'aurai longtemps tourné autour !

Il ne me reste maintenant plus qu'à déterminer le lieu du décès de Marie Joséphine Bousse, une formalité je pense.


Tombe Faurie x Bousse - Melun Nord - Photo déposée par BIll Rousseau sur Geneanet

 
Mise à jour du 21/09/2020 :

Renseignements pris auprès du cimetière de Melun : Marie Bousse est donc décédée à Trojan-les-Bains, sur l'Île d'Oléron ! D'après une petite recherche sur Gallica, il y avait un sanatorium là-bas, ce qui n'a rien d'étonnant en bord de mer. Mais alors pourquoi l'avoir envoyée si loin de Paris alors qu'il y avait d'autres endroits bien plus proches et que toute la famille ou presque habitait encore en Île-de-France ? Problème de place ? Nécessité d'un certain confort ? Cela reste à déterminer mais peut-être ne le saurai-je jamais.

samedi 20 juillet 2019

RDV Ancestral : une coupe bien courte, s'il vous plaît !

Aujourd'hui, c'est coiffeur ! Il est temps d'en finir avec cette tignasse surtout pour passer l'été un peu moins au chaud. Je traverse donc la rue, non pas pour trouver du travail mais pour retrouver ma coiffeuse habituelle avec qui j'ai pris rendez-vous.
J'entre donc dans le petit salon de coiffure, totalement vide car j'ai obtenu un RDV avant l'heure d'ouverture officielle dudit salon. Ma coiffeuse me désigne le lavabo où m'installer pour le shampooing avant d'aller m'asseoir sur le fauteuil pour la coupe.

Une fois installé je m'attends à ce que la coiffeuse me demande quelle coupe je souhaite ce qui ne tarde pas à venir. Comme il fait très chaud je demande une coupe bien courte. Le travail commence et la discussion si chère aux coiffeurs avec lui. Cela ne va jamais plus loin que la pluie et le beau temps, la famille, les vacances, etc. si bien qu'au bout d'un moment mes yeux se ferment. L'instant d'après c'est une voix d'homme que j'entends !

- Alors Monsieur, on s'assoupit ? Remuez-vous un peu s'il vous plaît, je ne suis pas venu jusqu'ici pour vous regarder dormir.

Je rouvre alors les yeux : ma coiffeuse a disparu ! A sa place se trouve un homme élégant à la chevelure blanche impeccable et avec une barbe à faire rougir tous les hipsters des années 2010. Pas de doute, je suis de nouveau face à un de mes ancêtres. Et des ancêtres coiffeurs, je n'en ai pas légion : Un père et son fils, les deux parfaitement homonymes d'ailleurs. Bizarrement, je suis toujours à mon époque, c'est mon ancêtre qui est venu à moi et non l'inverse comme lors de mes précédents RDV ancestraux.

- Vous êtes Paul Victor Bousse, le père ? présumé-je, son fils étant décédé avant d'avoir les cheveux blancs.
- Vous avez vu juste, mon cher. Alors ils sont comme cela les salons de coiffure à votre époque ? dit-il en balayant les lieux des yeux. Intéressant... Mais je pense que je vais plutôt vous amener au mien !

En un claquement de doigts, je me retrouve dans un autre décor, toujours planté dans mon fauteuil et toujours face à un miroir. Mais exit le 21e siècle, me voilà à la fin du 19e ! Et non plus chez moi mais à Reims, au 31 rue de Saint-Thierry où mon ancêtre et son épouse Adeline Godot tenaient un salon de coiffure.


Reims - 31 rue Saint-Thierry - Photo 2015


- Ça alors, je vois enfin votre lieu de travail, moi qui ai longtemps cherché des photos ou des cartes postales d'époque. Je n'ai retrouvé que celles représentant les ateliers de tissage bombardés durant la première guerre mondiale. Et à mon époque, il n'y a plus rien qui puisse rappeler la vôtre.
- Je comprends, répond tranquillement mon ancêtre coiffeur qui tient des ciseaux à la main, c'est bien pour ça que je vous ai amené ici. Je me suis décidé à venir vous chercher en raison de votre acharnement à tenter de nous retrouver ma femme et moi (voir ici). Tenez, je vous présente Adeline.
- Bonjour Madame, vous êtes mon arrière-arrière-grand-mère ! Dis-je à la non moins élégante épouse de Paul Victor Bousse.
- Bien le bonjour mon cher descendant. Alors où en êtes-vous de vos recherches ? me demande-t-elle avec un léger sourire avant de disparaître dans l'arrière boutique.
- Oh, je fais du surplace en ce moment. Je n'ai plus aucune piste sérieuse.
- Pourtant vous en savez déjà tellement sur nous, reprend le père Bousse, penchez votre tête vers l'avant que je puisse dégager votre nuque, voilà, merci.
- Oui ! Je sais, par exemple, que avez vécu dans de nombreux lieux différents... Vous M. Bousse, vous êtes né en 1857 à Pont-à-Mousson dans le département de la Meurthe. Vous êtes issu d'une famille de Metz. Vous avez ensuite vécu à Lunéville où est décédé votre mère en 1874, avez fait un bref passage à Constantine, en Algérie, où vous vous êtes engagé volontairement au service militaire. Vous étiez déjà coiffeur à cette époque. De retour en Métropole à Verdun puis ensuite à Reims où vous vous êtes marié en 1880 avec Adeline, ici présente, native de Neuflize dans les Ardennes. Reims est la ville où vous avez vécu le plus longtemps, une vingtaine d'années je dirais.
- C'est exact. Nous avons revendu notre salon en 1899 avant de partir dans l'Aisne.
- Oui, un certain M. Delaval a repris le fond de commerce à ce qui me semble.
- C'est ça. C'est vrai que vous en savez des choses sur nous. Relevez la tête s'il vous plaît.


Extrait de la feuille matricule de P.V. Bousse - ANOM (indexée)


Cession fond de commerce Bousse / Delaval - Reims 1899 (AD51)


- Après Reims, vous vous êtes installés à Neufchâtel-sur-Aisne, dans le département voisin donc. Là, j'ignore pendant combien de temps car je perds votre trace après le mariage de votre fils en 1913. Je ne vous retrouve que vers la fin des années 20 auprès de ce dernier aux Pavillons-sous-Bois dans le département de la Seine, aujourd'hui Seine-Saint-Denis.
- Nous sommes restés un certain temps à Neufchâtel. Vous finirez bien par en découvrir la durée exacte, finit-il légèrement narquois.
Las ! J'étais sûr qu'il allait rien me révéler, cela aurait été trop facile.
- En 1931, vous habitez tous ensemble, tous les deux, votre fils, sa seconde épouse Louise Boban et leur fille Yvonne au 163 boulevard Pasteur. Vous exerciez encore comme coiffeur avec votre fils mais cette fois en tant qu'employés dans une ville voisine, Sevran, au 12 avenue de Livry. Votre patron était un certain M. Ouallet.
- Oui ! Je me souviens bien de lui. C'est chez lui que j'ai fini ma carrière, à plus de 70 ans.
- Et vous savez quoi ? A mon époque, il y a toujours un salon de coiffure à cette adresse !


Sevran - 12 avenue de Livry - 2019 (Google Maps - retouchée)

- C'est incroyable en effet mais je suppose que ce n'est pas le seul, conclut mon ancêtre. Il enchaîne : bon, et je suppose que vous savez ce qui nous est arrivé de pire également ?
J'hésite car ce n'est jamais aisé d'évoquer des sujets douloureux :
- Vous êtes sûr de vouloir en parler ?
- Soyez sans crainte. Ce que nous avons vécu est derrière nous. Nous existons de nouveau grâce à vous et vos travaux de mémoire.
- C'est vrai que c'est qu'au cours de mes recherches j'ai souvent été confronté à des épisodes bien tristes. A commencer par le décès en bas âge de trois de votre quatre enfants : Marie Juliette, Ernest Jean-Baptiste et Emile Désiré. Seul Paul Victor a connu la vie adulte. Mais quelle vie ! Il est fait prisonnier par les Allemands lors de la Grande Guerre et reste en captivité durant quatre ans à Darmstadt; il ne voit donc pas naître sa première fille - ma grand-mère. Il divorce à son retour puis se remarie. Il finit sa vie en laissant sa veuve et sa seconde fille sans le sou. C'était en 1942 à l'hôpital parisien de Tenon, il n'avait que 53 ans. Vous avez également perdu votre soeur Charlotte, décédée à l'Hôtel-Dieu de Reims, alors qu'elle avait à peine 40 ans. En fin de compte, il semble que c'est votre soeur aînée Marie Joséphine qui a eu une vie bien plus heureuse.
- Oui tout cela est vrai. Quant à ma soeur aînée, c'est une autre histoire, vous finiriez par ne plus avoir de cheveux du tout si nous décidions d'en parler, n'est-ce pas ? Pour en revenir à ma femme et moi, nous avons eu une vie bien remplie jusqu'à ce que Adeline me quitte. Nous vivions alors au domicile de notre fils aux Pavillons-sous-Bois. C'était à la veille de la nouvelle année 1933. Tout cela aussi vous le savez. Maintenant, je vais m'occuper de votre barbe, voulez-vous ?
- Hé, oui, et cet acte-là, j'ai mis longtemps à le retrouver. C'était une erreur de débutant ! Lorsque je m'étais déplacé dans la commune pour récupérer l'acte du second mariage de votre fils,  je n'ai pas du tout pensé à consulter les registres de dénombrement de population ! C'est grâce à ces documents que j'ai découvert que vous avez fini par vivre chez votre fils et que celui-ci a eu une autre fille avec sa second épouse. Ma grand-mère n'a jamais connu Yvonne,  sa demi-soeur. Personne n'était au courant, ni même mon père. Enfin... Je m'interromps soudainement.
- Oui ?
- Non, rien, je ne peux pas vous demander cela.
- Je devine, cher Monsieur, mon cher descendant, il vous manque un acte. Quand vous le trouverez enfin, cela clôturera l'histoire de ma vie. J'espère simplement que vous ne m'oublierez pas quand vous passerez à autre chose. Voilà ! J'ai terminé, qu'en pensez-vous ?
- Vous aviez raison, si nous avions discuté plus longuement, vous auriez fini par me faire une coupe BIEN courte.


Recensement de 1931 des Pavillons-sous-Bois (source AD93) - l'agent a mélangé les prénoms, dates, et lieux de naissance des 2 familles ! A moins que ce ne fût sous les indications erronées de la petite Yvonne. 

- Qu'est ce que vous dites, Monsieur ? Je viens à peine de commencer, s'étonne ma coiffeuse montrougienne.
Je me rends alors à l'évidence que Paul Victor Bousse a disparu, son salon et ses secrets avec lui.