samedi 3 décembre 2022

Les entrelacs





Qu'est-ce que des entrelacs ? Le Larousse donne une définition simple : « ensemble de choses entrelacées; entrelacement. » En ferronnerie, on en voit souvent des exemples, de ces tiges entrelacées constituant un garde-corps, une clôture ou une simple barrière. Mais qu'est ce que ce mot vient faire en généalogie, me demanderez-vous ?

Lorsque j'ai enfin retrouvé l'acte de décès de mon AAGP Paul Victor BOUSSE (Pont-à-Mousson 1857 - Meaux 1935) après plusieurs années de recherches et plus de cent tables de successions et absences, entre autres, je pensais avoir refermé le livre de son histoire avant de passer à une autre recherche. Que nenni.

En lisant cet acte, j'ai fait tout le contraire. J'ai ouvert une armoire remplie de tiroirs eux-mêmes constitués de milliards de compartiments. L'exagération du nombre sert simplement à souligner comment j'ai découvert que quatre familles étaient mêlées les unes aux autres de bien des façons. Des destins entrelacés.

Je vais donc vous décrire comment les familles BOUSSE, FOURNILLON, VINCENT et WALPOEL ont évolué à travers leur temps. Je vais leur attribuer à chacune une couleur pour rendre le récit comestible. Je ne vais de toutes façon pas être exhaustif et ne garder que les éléments qui ont une utilité commune à ces familles.


La famille BOUSSE


Paul Victor BOUSSE est né en 1857 à Pont-à-Mousson, actuelle Meurthe-et-Moselle (54) de Jean Baptiste BOUSSE (1820-1879) et Barbe dite Victorine VINCENT (1830-1874). Après un passage à Verdun et un service militaire en Algérie, il s'installe à Reims où il épouse Adeline GODOT (Neuflize 1857 - Les-Pavillons-sous-Bois 1932) en 1880. Ensemble, ils auront quatre enfants mais un seul qui atteindra l'âge adulte et qui porte les mêmes prénoms que son père :
  • Paul Victor BOUSSE (fils), mon AGP, sosa 18 de mes filles, est né en 1888 à Reims. Il vivra avec ses parents à Reims puis à Neufchâtel-sur-Aisne (02) puis sera domicilié au Perreux-sur-Marne (Seine, actuel Val-de-Marne) au moment de son service militaire. Peu après son premier mariage, il part au front de la Grande Guerre et sera fait prisonnier en Allemagne. Il en revient, divorce de mon AGM et s'installe entre Livry-Gargan et Les-Pavillons-sous-Bois (actuelle Seine-Saint-Denis). Il se remarie en 1920 avec Louise BOBAN dans cette dernière commune. Parmi les témoins, on trouve une certaine Virginie HARDY (Maubeuge 1846 - Nanteuil-lès-Meaux 1931) veuve VINCENT. Le couple aura une fille, Yvonne, qui n'est pas impliquée dans ce billet.
En 1931, on retrouve les familles BOUSSE père et fils, résidant ensemble aux Pavillons-sous-Bois. Adeline GODOT y meurt à la fin de l'année 1932. Paul Victor BOUSSE (père) disparait ensuite de cette commune. J'aurais pensé qu'il serait resté chez son fils mais il n'en a rien été. Comme indiqué en introduction, c'est à Meaux que j'ai retrouvé son acte de décès, en 1935. Il y est indiqué qu'il était domicilié dans la commune voisine de Nanteuil-lès-Meaux (Seine-et-Marne), au hameau de Chermont. Retenez aussi bien les patronymes que les communes, c'est important.



La famille FOURNILLON


On commence par Germain FOURNILLON (Montillot 1846 - Villejuif 1910) qui épouse en 1875 à Paris Louise Elisa DELPEROUX (La Chapelle 1853 - ?). Ils divorceront en 1896 après avoir eu trois enfants :
  • Adolphe FOURNILLON (Paris 1878 - Livry-Gargan 1965), parmi les témoins à la déclaration de la naissance, il y a un certain Gorgon VINCENT. On y reviendra. Après quelques années de vie commune sans mariage et un enfant mort en bas âge avec Louise LOIGEROT (1883-1908), il épouse en 1910 Marie Emile VINCENT (Paris 1869 - Les-Pavillons-sous-Bois 1917), la fille de Gorgon et Virginie HARDY, aux Pavillons-sois-Bois. Parmi les témoins, il y a une nommée Eugénie WALPOEL. Ils auront ensemble une fille, Marguerite (Paris 1911 - Livry-Gargan 1997). Il existe une biographie d'Adolphe sur le Maitron.
  • Germaine FOURNILLON (Noisy-le-Sec 1881 - ?) qui épouse en 1902 à Livry-Gargan, Jean Alexandre BALMOUSSIERE (Paris 1879 - Moussy-Verneuil 1915). On retrouve parmi les témoins Adolphe FOURNILLON, Gorgon VINCENT et Marie Emilie VINCENT.
  • Amélie FOURNILLON (Noisy-le-Sec 1886 - Nice 1970), célibataire, dont le sort ne nous intéresse pas ici (désolé pour elle).


La famille VINCENT


Voici Gorgon VINCENT, que l'on retrouvera souvent ici et là. Il est né à Nancy en 1840 et passera son enfance à Nomeny, toujours dans le département de la Meurthe-et-Moselle. Il est le fils de Joseph (Bourmont 1802 - Saint-Dié-des-Vosges 1849) et de Catherine HOGNON (Nomeny 1802 - id. 1860). Il également le cousin germain de Barbe VINCENT, la mère de Paul Victor BOUSSE père.
On retrouve Gorgon, imprimeur en taille douce, à Paris à partir de 1860 où il a d'abord deux filles avec Clémence POTRAT (Varennes 1838 - Bordeaux 1875) qu'il n'épousera jamais :
  • Marie Héloïse Rosa (Paris 1860 - id. 1947) qui sera élevée à Varennes par ses grands-parents maternels et n'entendra plus jamais parler de son père ;
  • Léonie, Marie, Amélia (Paris 1862 - Nomeny 1943) qui, contrairement à sa soeur, restera avec son père qui sera présent à son mariage avec Joseph FISCHER en 1886. Le couple vivra à Asnières-sur-Seine puis à Malakoff. Léonie s'éteindra à Nomeny, fief de ses grands-parents paternels, décédés avant sa naissance.
Entre temps, toujours à Paris, Gorgon épouse Virginie HARDY en 1869. Ensemble, ils auront quatre enfants :
  • Marie Emilie, l'épouse d'Adolphe FOURNILLON, en 1869. Elle vivra chez ses parents au moins jusqu'en 1902. On la retrouve en 1910 aux Pavillons-sous-Bois avec sa mère seulement quand elle épouse ledit Adolphe. Elle y expire pour la dernière fois en 1917 à seulement 47 ans ;
  • Victor Léon, né à Paris en 1870 mais décédé la même année à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), en nourrice ;
  • Clémence Virginie, née à Paris en 1872, y décédée en 1896 sans postérité. On notera la référence à la première compagne de Gorgon dans ses prénoms ;
  • Clotilde, née à Paris en 1874 et décédée en 1881 à l'âge de 7 ans.
Gorgon VINCENT n'aura donc pas vu sa fille aînée se marier et Virginie HARDY aura malheureusement survécu à tous ses enfants.

Puis en 1921, lorsque Virginie HARDY est témoin du mariage de Paul Victor BOUSSE (fils) et Louise BOBAN, elle est dite domiciliée à la même adresse que ledit couple. Or, c'est dans les recensements de Nanteuil-lès-Meaux que je la retrouve la même année. Elle y est recensée au hameau de Chermont avec, dans le même logement, Eugénie Louise WALPOEL (Paris 1868 - ap.1938 ?), Rose Ernestine Clotilde BLUTEL (Nanteuil-lès-Meaux 1893 - Breuil-le-Sec 1980) et Henri Benjamin BRAULT (Loudun 1887 - ?). En 1926, elle vit toujours au même lieu et avec les mêmes personnes, sauf Eugénie WALPOEL. Enfin, en 1931, juste avant son décès à l'âge de 84 ans, elle est recensée seule à une autre adresse de Nanteuil-lès-Meaux. Son décès sera déclaré par Adolphe FOURNILLON, son gendre.



La famille WALPOEL


Rosalie Sophie WALPOEL est née en 1839 à Wormhout (Nord). Elle sera fille-mère à deux reprises :
  • Eugénie Louise WALPOEL, née à Paris en 1868 de père inconnu. Elle ne sera reconnue que très tardivement par sa mère, en 1892, sans doute pour qu'elle puisse se marier. Sur l'acte de reconnaissance à Paris, on retrouve Gorgon VINCENT

Acte de reconnaissance d'Eugénie Louise WALPOEL par sa mère - Paris 20e 1892 - AD75
  • Eugénie se marie ensuite à Nanteuil-lès-Meaux avec Louis Théodore BLUTEL (Nanteuil-lès-Meaux 1857 - id. 1893) dont elle deviendra veuve seulement sept mois plus tard. Leur fille Rose Ernestine Clotilde BLUTEL naîtra après le décès de son père. Elle-même se mariera à trois reprises sans avoir d'enfants :
    • 1911, Nanteuil-lès-Meaux, avec Maurice Eugène REGNIER (1888-1936), divorcés. Parmi les témoins du mariage, on retrouve... Adolphe FOURNILLON, alors le gendre de Gorgon VNCENT !
    • 1928, Nanteuil-lès-Meaux, avec Henri Benjamin BRAULT (1887-?), divorcés ;
    • 1938, Saint-Martin-sur-le-Pré (Marne), avec Paul René LAUNE (Péroy-les-Gombries 1904 - Meaux 1977). Sur l'acte de ce mariage, Eugénie WALPOEL est indiquée comme domiciliée à Sombernon en Côte d'Or. Je perds sa trace ensuite.
  • Louise Eugénie WALPOEL (quelle originalité !), née aussi à Paris en 1872 mais décédée en nourrice à Beugneux (Aisne) en 1873.
Rosalie se marie quelques semaines avant sa fille avec Louis François CHAMBEAUT (Pierre-Levée 1837 - Levallois-Perret 1893) à Levallois-Perret à la fin de l'année 1892. Elle en deviendra veuve l'année suivante. On notera la coïncidence (j'espère que c'en est bien une) comme quoi mère et fille se sont retrouvées veuves la même année peu après leur mariage. Rosalie finira ses jours à l'hôpital de la Salpêtrière en 1921.




Extrait du recensement de Nanteuil-lès-Meaux (1926) - Henri Brault est indiqué comme non parent car pas encore marié avec Rose Blutel. On notera que Virginie Hardy est indiquée comme étant la tante de Rose Blutel alors qu'au mieux elle serait sa... belle grand-mère.




Représentation graphique


Pas facile d'y voir clair après toutes ces descriptions alors pour nous rendre un peu la vue, voici d'abord un arbre simplifié montrant les quatre familles :


Arbre de descendance élaboré sous Heredis puis retouché sous Gimp - cliquez pour agrandir



Ensuite, j'ai essayé de mettre en évidence les relations entre les différents membres avec un diagramme, simplifié au maximum possible :

Diagramme élaboré avec app.diagrams.net - cliquez pour agrandir



Les questions qu'on est en droit de se poser


Parmi tout ce méli-mélo, il y a des interrogations qui surviennent. En résumant les entrelacements familiaux détaillés ci-dessus, on voit que :
  • Gorgon VINCENT est témoin de la reconnaissance d'Eugénie WALPOEL ;
  • Eugénie WALPOEL est témoin du mariage de Marie Emilie VINCENT et Adolphe FOURNILLON ;
  • Adolphe FOURNILLON est témoin du mariage de Rose BLUTEL et Maurice REGNIER ;
  • Virginie HARDY, veuve, se retrouve à habiter avec Eugénie WALPOEL et Rose BLUTEL plutôt qu'avec son gendre et sa petite-fille, Adolphe et Marguerite FOURNILLON.

Question 1 : Gorgon VINCENT est-il le père biologique d'Eugénie WALPOEL ? La probabilité semble très élevée au regard de l'énoncé précédent. Il n'aurait jamais pu la reconnaître car il était marié avec une autre femme que sa mère. Il n'était pas encore marié avec Virginie HARDY lors de sa naissance mais devait déjà la fréquenter.

***
  • Gorgon VINCENT est témoin de la déclaration de naissance de son futur gendre, Adolphe FOURNILLON, en 1878 ;
  • Gorgon et sa fille Marie Emilie sont également témoins du mariage en 1902 de Germaine FOURNILLON, sœur d'Adolphe, alors qu'ils n'ont pas encore de liens d'affinité, Adolphe et Marie Emilie ne s'étant mariés que 8 ans plus tard.

Question 2 : Quels liens ont pu tisser les familles VINCENT et FOURNILLON pour être finalement aussi liés ? En 1878, Gorgon VINCENT et Germain FOURNILLON étaient voisins mais n'exerçaient pas le même métier, le premier étant imprimeur et le second, charcutier. Était-ce simplement vénal ?


***


  • En 1933, lors de la déclaration de succession d'Adeline GODOT, son mari Paul Victor BOUSSE (père) vivait encore chez son fils aux Pavillons-sous-Bois, ce dernier étant décédé à l'Hôpital Tenon (Paris 20e) en 1942 ;
  • En 1935, il vivait dans le même hameau de Nanteuil-lès-Meaux, qu'Eugénie WALPOEL et sa fille Rose BLUTEL mais également dans cette même commune où l'épouse de son cousin Gorgon VINCENT a fini ses jours.

Question 3 : Mais qu'est-il allé faire là-bas ?



***


Et la question subsidiaire 


Vous aurez peut-être remarqué qu'il me manque un acte de décès, celui de Gorgon VINCENT. A ce jour, je ne l'ai toujours pas trouvé. Il est décédé dans aucune des villes que j'ai citées jusqu'ici : Pas à Paris, ni aux Pavillons-sous-Bois, pas plus à Nanteuil qu'à Livry-Gargan. J'ai parcouru des dizaines et dizaines de tables décennales et de tables de successions et absences de l'Île-de-France, de l'Oise, de l'Aisne, de la Meurthe-et-Moselle et j'en passe… Tout ce que je sais, c'est qu'il a quitté ce monde entre 1903 et 1910, sa dernière adresse connue étant à Paris 10e arrondissement.

Si quelqu'un a une idée…

mercredi 12 octobre 2022

Et si j'avais pu la rencontrer : Blanche Audirac

Aujourd'hui, je me lance dans un nouveau thème. 

J'ai débuté ma généalogie en 2004 et entre cette années-là et aujourd'hui, bon nombre de personnes, apparentées ou non à ma famille, sont malheureusement décédées avant que je ne découvre leur existence. 

Ce nouveau thème est donc le suivant : que ce serait-il passé pour mes recherches généalogiques si j'avais pu rencontrer ces personnes ? Qu'auraient-elles pu m'apprendre ?

Pour ce premier article, j'ai décidé de vous parler de Blanche Audirac.


Généalogie non exhaustive de Blanche Eugénie Audirac


Blanche Eugénie Audirac est née Schaeffer le 31 décembre 1905, chez sa mère Marie Victorine Schaeffer (Paris 1877 - Joigny 1977) à Pantin (Seine puis Seine-Saint-Denis) au 48 avenue de Flandre (aujourd'hui avenue Jean Jaurès). Elle ne sera reconnue par cette dernière que 3 ans plus tard. Le 21 février 1911, elle sera reconnue, ainsi qu'une sœur Andrée Louise, née en 1904, par un certain Louis André Audirac (Paris 1873 - ?), un représentant de commerce domicilié dans la commune voisine d'Aubervillers, qui n'épousera jamais sa mère. En effet, quelques mois plus tard, il épouse une dénommée Juliette Marie Talon avec qui il aura trois autres enfants.

On retrouve ainsi la famille reconstituée à Aubervilliers en 1921 :
  • Louis André Audirac ;
  • Juliette Marie Talon (Ivry-sur-Seine 1884 - ?) ;
  • Andrée Louise Audirac (Paris 1904 - id. 1996) ;
  • Blanche Eugénie ;
  • André (Aubervilliers 1911 - Paris 1949) ;
  • Lucienne (Aubervilliers 1914 - Paris 2005) ;
  • Geneviève (Aubervilliers 1918 - Paris 2005).

Blanche, dont le patronyme est plutôt originaire du Sud-Ouest, se marie en 1923 à Pantin avec Marcel Louis Victor Guiter (parfois orthographié Guitter) à qui elle donnera une fille : Jacqueline Marcelle (Paris 1924 - id. 1949). Malheureusement, ce mariage sera de courte durée car Marcel meurt l'année suivante à Pantin. Elle ne se remariera qu'en 1952, à Paris, avec Marcel Poignant (Paris 1898 - Joigny 1980).
Je retrouve Blanche avec sa fille, sa mère biologique, et la mère de son défunt époux dans les recensements de 1926, à Pantin au 48 avenue de Flandre, exactement au même lieu qu'à sa naissance. Retenez bien cette adresse.


Extrait des recensements de Pantin 1926 - Source AD93



Après avoir connu plusieurs fois le deuil (son premier époux, sa fille unique, sa mère biologique puis son second époux), Blanche s'éteint, sans aucune postérité, le 22 janvier 2011 dans le 12e arrondissement de Paris, peu de temps après son 105e anniversaire !


Pourquoi me suis-je intéressé à elle ?


Je vous avais dit de retenir une adresse ? Eh bien c'est là que mon arrière-grand-père Joseph Bourdin-Grimaud a vécu les dix dernières années de sa vie avant de quitter notre monde en 1927. Il y a quelques années, je m'étais mis en tête de retrouver toutes les personnes ayant vécu dans le même immeuble que lui, dans le but - vain jusqu'à présent - d'identifier les personnes de cette photo :



Mon AGP, premier à gauche, en compagnie de ses voisins - photo retouchée par moi et colorisée par une IA.


Blanche et sa fille en faisaient donc partie mais ne sont pas sur la photo. Mais voilà, Blanche est décédée en 2011, soit sept ans après le début de mes recherches généalogiques, et elle a très probablement croisé mon bisaïeul maintes et maintes fois entre 1923 (son mariage) et 1927 (le décès de mon AGP) de même que sa femme et leur fils (mon grand-père). 

Malgré son âge très avancé, elle aurait probablement pu m'apprendre comment était la vie pantinoise dans les années 20 et, pourquoi pas, reconnaître les protagonistes de la photo et enfin, soyons fous, me révéler des informations intéressantes sur Joseph.

Qui sait...

samedi 17 septembre 2022

#RDVAncestral : une simple histoire de fromage

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas rencontré un de mes ancêtres. Et si je réessayais ? Après tout, ce n'est pas bien compliqué. Il suffit de s'asseoir confortablement dans son fauteuil avec une collation à disposition (ou pas), de fermer les yeux et d'attendre que cela se passe. Ensuite c'est la loterie de la vie qui se lance et nous conduit aléatoirement vers un chemin inconnu. 

Alors, je m'exécute. J'ai mon fauteuil, mon café et mon biscuit posés sur la table basse. Tout est prêt, je ferme les yeux, respire profondément mais en douceur et j'attends. Rien. Bon, ce ne doit pas être la bonne méthode finalement. Ou peut-être que je n'attends pas assez longtemps. Allez, je recommence. cinq, dix, vingt, trente secondes, toujours rien, une, deux, trois minutes, rien de rien, dix, vingt minutes. Cela suffit d'attendre, mes ancêtres n'ont pas envie de me voir. Ce n'est pas grave, je ne vais pas en faire tout un fromage.

Soudain, l'image se brouille et mon environnement disparaît ! Pour laisser place à une toute autre ambiance : que de bruit ! Où suis-je donc ? On dirait un bar ou un café, il y a des gens attablés près d'un comptoir bondé. Tout le monde boit et mange mais surtout parle vraiment bruyamment. A en juger la tenue vestimentaire de chacun, il semble que je sois tombé au tout début du XXe siècle. Ah ! Et précision importante, personne ne parle français ! Je distingue plusieurs langues mais surtout de l'anglais et avec différents accents, dont l'italien.

Je ne mets pas longtemps à découvrir où je suis réellement, j'ai peu d'ancêtres ayant vécu là-bas : je suis dans le quartier de Brooklyn ! Oui, oui, à New York ! Quel bond dans l'espace et le temps ! C'est mon arrière-grand-père Pietro Ferrara qui a vécu là-bas, pendant 5 ans environ, entre 1906 et 1911. D'ailleurs, je l'aperçois au comptoir avec un ami, lui aussi italien a priori.



Pietro Ferrara (1865-1936) - Archive personnelle



Pietro Ferrara est né en 1865 à San Cipirello, dans la région de Palerme, de Lorenzo (1814-1886) et Maria Cacioppo (1835-1878). Je lui connais un frère (Damiano) et deux sœurs (décédées en bas âge). En 1891, il se marie dans une commune voisine, Partinico, avec Maria Parrino (1869-ap.1936) avec qui il a 9 enfants (5 décédés en bas âge) dont mon grand-père Lorenzo (1901-1985). 

En avril 1906, il fait le grand voyage seul vers l'Amérique pour y tenter sa chance. Il part de Naples avec le bateau Massilia et arrive le 25 avril à Ellis Island. Là-bas, il dit rejoindre son frère Giovanni (que jamais je ne trouva) au 245 Linden Street à Brooklyn. Je ne sais rien d'autre de sa vie à New York hormis cette anecdote que je pense bientôt vivre en direct.



Croisement de l'avenue Onderdonk et la Linden Street - CPA colorisée de 1910 - Source Ebay



Je l'aperçois donc, accoudé au comptoir avec son ami, mais je me fais discret. En effet, comment réagirait-il s'il voyait un gus fagoté comme jamais, près de lui, à faire le curieux ? Je comprends que les deux compagnons s'apprêtent à commander car ils ont faim. Problème : ils parlent en italien et le tenancier n'y comprend rien. Il répond en anglais. L'ami de mon bisaïeul - appelons-le Angelo - voudrait du pain et du fromage (pane é formaggio) mais n'arrive pas à se faire comprendre. L'autre lui répond toujours en anglais ce qui a le don d'énerver ledit Angelo. Finalement, ce dernier explose :

    - Butta che t'a ciiiizzzz (je refuse de traduire)
    - Haaaa Cheese !? Yes, of course ! 

Et voilà que le patron du bar leur sert du fromage et du pain. Ou comment une insulte en italien a permis de mettre fin à un dialogue de sourds. A présent j'aperçois Angelo se tourner vers Pietro et lui dire, l'air médusé mais désormais apaisé :
    - C'est tout de même malheureux d'être obligé de s'énerver et d'insulter pour se faire comprendre. C'est quoi ce pays ?

M'entendant pouffer, les deux se retournent vers moi et s'exclament à l'unisson :

    - Ma chi sei ?

Mais voilà qu'à l'instant même où j'allais leur répondre, je me retrouve de nouveau dans mon salon. Ouf ! C'est mieux ainsi.


Finalement, après que son frère Damiano l'a rejoint à Brooklyn en 1909 avec sa femme et ses enfants, Pietro reviendra en Sicile aux alentours de 1911. Son projet était de regagner le rêve américain avec son épouses et ses enfants, dont mon grand-père, mais l'Immigration Américaine en décidera autrement : ma bisaïeule Maria Parrino sera refusée pour des questions soi-disant  d'hygiène et de santé car elle avait, selon ma mère, un conséquent grain de beauté près d'un œil. Apparemment, cela suffisait pour être discriminée mais je ne pourrai a priori jamais le prouver.

De toutes façons, si ce projet s'était déroulé sans accroc, je n'aurais jamais été là pour en parler !

mardi 31 mai 2022

#Généalogie30 : une épine de Rose sicilienne

Ah ! Voilà que Sophie de la Gazette des Ancêtres relance le défi #Généalogie30 : 30 questions à se poser pour enrichir la vie d'un ancêtre. 

Au départ, j'étais parti pour décliner la relève de ce défi, étant peu motivé à l'écriture ces derniers mois, mais je me suis ravisé à peine une minute plus tard car ce pourrait être l'occasion de lancer quelques bouteilles à la mer Méditerranée à propos de l'ancêtre que j'ai choisie de vous exposer. 

Eh oui, je dois l'admettre, je sais peu de choses sur elle bien qu'elle ne soit pas très éloignée dans mon arbre généalogique, ou devrais-je dire « jardin de roses généalogique », car, oui, il s'agit de mon arrière-grand-mère Rosa Lanfranca, sosa 23 de mes filles, la mère de la mère (Rosa) de ma mère (Marie-Rose), personnage central d'un jardin sicilien bien fleuri. Vous l'aurez compris : les femmes s'appelant Rosa sont légion dans mes branches siciliennes.

Mais là n'est pas le sujet, revenons donc à nos boutons. Voici Rosa Lanfranca :


Rosa Lanfranca à la fin de sa vie - capture d'une photo de famille - colorisée par Marina Amaral

1. Naissance et baptême


Rosa est née le 6 mai 1870 à Camporeale, commune de la province de Palerme en Sicile, et a été baptisée le même jour. Je suis en possession des deux actes, le premier grâce au site italien d'Antenati, le second grâce à Familysearch.

Quels renseignements m'apportent l'acte de naissance ? Elle a été déclarée par son père Giuseppe Lanfranca, fils de Vincenzo, qui a 35 ans et qui exerce le métier de paysan (Villico). Il est dit que la mère s'appelle Maria Nicolino, fille de feu Michele et que l'enfant est née dans leur maison d'habitation. La déclaration a été faite en présence de deux témoins qui n'ont aucun lien de parenté avec la famille : Salvatore Marchese et Michele Maniscalco.

Et l'acte de baptême ? L'acte est écrit en latin et est très court. On y retrouve le nom des parents, du parrain, Antonino Nicolino, son oncle maternel, et de la marraine, Maria Caruso, sans lien connu à ce jour.


2. Son mariage


Je ne dispose que de l'acte de mariage religieux de Rosa Lanfranca, lui aussi rédigé en latin et très pauvre en informations. Rosa s'est donc mariée le 22 juin 1896 en l'église Sant'Antonio di Padova à Camporeale avec Calogero Perna - parfois écrit La Perna - issu du même village et de six ans son benjamin, fait rare pour l'époque et le lieu.
Rosa étant orpheline de père depuis l'âge de 7 ans, il n'y avait que sa mère, Maria Nicolino de présente au mariage de même du côté de Calogero qui a perdu son père, Pietro, l'année précédant le mariage.


Acte de mariage religieux entre Rosa Lanfranca et Calogero Perna - Familysearch


Quant aux témoins (testibus), le premier, Giuseppe Maggiore, n'a pas de lien de parenté connu avec la famille et le second, Pietro Salsiccia, ne semble pas en avoir non plus. Toutefois, c'est lui qui déclarera le décès de la mère de Rosa en 1905. Par conséquent, il peut s'agir d'un ami proche.


3. Son décès


Est-ce que j'ai toutes les informations sur son décès ? Ah ben non alors. Vraiment pas. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'à ce jour, je n'ai retrouvé ni acte de sépulture, ni acte de décès. Il faut savoir qu'au tout début du XXè siècle, Rosa et sa famille ont émigré en Tunisie pour ne plus jamais en repartir (enfin, ses enfants, si, mais c'est une autre histoire). Rosa et Calogero vivaient dans un petit village perdu dans le Gouvernorat de Zaghouan appelé Aïn-el-Asker. Selon ma mère, ils sont décédés dans ce village autour des années 50 mais elle était trop petite pour s'en souvenir avec exactitude. Nous détenons une photo d'eux avec ma grand-mère et quelques petits-enfants dont ma mère alors âgée de 3 ans. Cela montre qu'ils ont vécu au moins jusqu'en 1948.


Situation de Aïn-el-Asker par rapport à Tunis - Source Google Maps



Il y a bien le site de Geneanum sur lequel on peut retrouver des indexations des BMS catholiques des paroisses de Tunisie mais ces dernières sont largement lacunaires. Par ailleurs, le cimetière où ont été enterrés mes arrière-grands-parents n'existe plus depuis très longtemps. Nous y reviendrons plus tard.

Au moment où j'écris ces lignes, je n'ai plus aucune piste de recherche. Je vous dresse la liste de celles qui se sont avérées infructueuses :
  • La prélature de l'archevêché de Tunis : ils ont effectué les recherches deux fois sans succès.
  • La commune de naissance de Rosa, Camporeale, n'en a aucune trace alors que bien souvent il existe des transcriptions des actes de décès des italiens morts en Tunisie.
  • Les archives d'état de Palerme n'ont rien non plus.
  • Enfin, j'ai écrit à l'ambassade d'Italie en Tunisie qui m'a répondu négativement au bout de longs mois...
NB : ils n'ont pas été naturalisés français malgré le protectorat. Si quelqu'un a une idée, je suis donc preneur.



Eglise Saint-Eugène-d'Armand-Collin (El M'nagha), désaffectée mais la plus proche de Aïn-el-Asker encore debout. Il n'en existe aucune archive. Source Wikipedia.



4. Les personnes présentes aux évènements


Pour l'heure je ne me suis intéressé qu'au parrain de Rosa Lanfranca : Antonino Nicolino, son oncle maternel. C'est donc le frère de sa mère, Maria Nicolino. Il est né à Camporeale en 1831, fils de Michele (1798-1855), décédé du choléra, et Santa Vaccaro (-1861). Il est le 2e enfant connu du couple, après Leonarda et avant Mariano, Maria et Giorlando, tous ayant atteint l'âge adulte.

Antonino se marie en 1858 avec Liboria La Rocca, toujours à Camporeale où la famille s'établit. Ils auront 7 enfants dont 5 malheureusement morts en bas âge :
  • Michele (1859-1868) ;
  • Santa (1861-1863) ;
  • Santa (1865-1865) ;
  • Luigi (1866-1866) ;
  • Santa (1867-1868) ;
  • Michele (1869-?) ;
  • Santa (1873-?).
Michele se mariera et aura des enfants. Quant à Santa, j'ignore son devenir du fait des lacunes de l'état civil de Camporeale. C'est d'ailleurs pourquoi je n'ai pas encore retrouvé l'acte de décès d'Antonino ni celui de son épouse.


5. Son père


Le père de Rosa Lanfranca s'appelait Giuseppe. Tout comme sa fille, il est né à Camporeale, le 18 décembre 1835, fils de Vincenzo et Rosa Lipari. Je lui connais 9 frères et sœurs qui, chose rare, auraient tous atteint l'âge adule mais cela mériterait une recherche approfondie car je ne dispose pas de l'entièreté des actes de décès de la fratrie.

Giuseppe se marie en 1862 en l'église de Sant'Antonio di Padova avec Maria Nicolino, fille de Michele et Santa Vaccaro. Ensemble ils auront 8 enfants mais seulement 3 atteindront l'âge adulte dont Rosa et ses deux frères Vincenzo (1865-1915) et Michele (1876-1965) mais nous reparlerons d'eux plus tard.

La vie de Giuseppe, sosa 46 de mes filles, sera malheureusement courte puisqu'elle se termine le 1er octobre 1877 à l'âge de seulement 41 ans laissant Vincenzo, Rosa et Michele orphelins respectivement à l'âge de 12, 7 et 1 an. Sa veuve ne se remariera jamais.



6. Sa mère


La mère de Rosa Lanfranca se nommait Maria Nicolino, elle aussi née à Camporeale le 12 octobre 1839. Elle a la fille de Michele Nicolino (1798-1855) et de Santa Vaccaro (décédée en 1861) et je lui connais à ce jour une sœur : Leonarda (1827-1862) et trois frères : Antonino (1831-), Mariano (1835-1877) et Giorlando (1843-), ces derniers s'étant tous les trois mariés.

Comme indiqué précédemment, elle sera veuve peu après la naissance de son dernier enfant, Michele, et ne se remariera pas. Son veuvage durera 28 ans, puisqu'elle s'éteint à Camporeale en 1905. Le décès est déclaré par Pietro Salsiccia, l'un des témoins du mariage de mon arrière-grand-mère.



7. La fratrie


Giuseppe Lanfranca et Maria Nicolino ont eu en tout 8 enfants :
  • Rosa (1864-1865), morte en bas âge ;
  • Vincenzo (1865-1915) ;
  • Michele (1868-1872), autre petit ange ;
  • Rosa, mon AGM (1870-?) ;
  • Saverio (1872-1873) & Michele (1872-1875), jumeaux eux aussi morts en bas âge ;
  • Santa (1875-1875), décidément...
  • Michele (1876-1965), dernier enfant et celui qui a vécu le plus longtemps.

Il n'y a eu donc que Rosa et ses deux frères Vincenzo et Michele qui ont atteint l'âge adulte. Ils ont eu une destinée bien différentes les uns des autres :
  • Rosa a émigré en Tunisie ;
  • Vincenzo a épousé Antonina Ciaccio en 1892 puis Angela Vaccaro en 1914. Il a eu deux filles avec la première, Rosa (1898-?) qui épousera le fils aîné de mon AGM en 1920 avec qui elle aura 8 enfants en Tunisie. Le dernier d'entre eux est décédé l'année dernière. La vie de la seconde, Maria (1907-?) ,m'est inconnue. Il paraît qu'elle a été adoptée à la mort de ses parents et aurait changé de nom mais je n'ai rien pu retrouver pour le confirmer ou l'infirmer. Quand Vincenzo meurt à Camporeale en 1915, Rosa a 17 ans et Maria, 8 ans* ;
  • Michele s'est marié en 1900 avec sa belle-sœur, Margherita Perna (1881-1936) - oui, c'est une famille très endogame - avec qui il a eu deux enfants viables : Giuseppe (1911-1965) et Maria (1914-1997). Michele quittera Camporeale avec ses enfants et petits-enfants dans les années 50 pour s'installer en Toscane, à Castellina-Marittima, près de Pise. Il y meurt le 15 février 1965, quelques mois avant son fils. J'ai toujours des cousins qui vivent dans cette commune aujourd'hui.
* correction du 7 juin 2022 : j'ai a priori tordu le cou à cette légende familiale car je viens de retrouver l'acte de mariage de Maria Lanfranca en date du 22 janvier 1927 à Camporeale avec Giuseppe Davi, un meunier de 24 ans !


3 frères et sœur, 3 destins


8. Ses tantes et oncles


Du côté maternel, nous avons à ce jour :
  • Leonarda Nicolino (1827-1862), épouse de Francesco Cascio ;
  • Antonino Nicolino (1831-?), époux de Liboria La Rocca, 7 enfants ;
  • Mariano Nicolino (1835-1877), époux de Antonina Mangiaracina (-1918), 8 enfants ;
  • Giorlando Nicolino (1843-?), époux de Francesca Carrozza, 8 enafnts.

Et du côté paternel :
  • Antonina Lanfranca (1832-?) ;
  • Caterina Lanfranca (1834-1881), épouse de Antonino La Puma ;
  • Giuseppa Lanfranca (1837-?), épouse de Vincenzo Pisciotta ;
  • Saverio Lanfranca (1840-1895), époux de Rosa Guastella, un enfant ;
  • Pietro Lanfranca (1842-1929), époux Rosalia Accurso puis de Giuseppa Gianetta, 14 enfants ;
  • Antonia Lanfranca (1845-1891), épouse en secondes noces de Liborio Maenza ;
  • Simone Lanfranca (1848-1935), époux de Santa Mangiaracina (-1934), 10 enfants ;
  • Francesca Lanfranca (1850-?) ;
  • Calogero Lanfranca (1853-?).

Et il en reste tant à découvrir...


9. Ses relations avec les autres membres de la famille


Rosa a vécu environ la moitié de sa vie dans son village d'origine, Camporeale, et l'autre moitié en Tunisie dans diverses communes. Autant dire que déterminer avec exactitude quelles ont été ses relations avec les membres de sa famille est un parcours du combattant. Néanmoins, comme on a vu précédemment, cette famille était légèrement endogame. Rappelons que :
  • son frère, Michele, a épousé sa belle-soeur, Margherita Perna. Leurs enfants et leurs petits-enfants sont tous nés à Camporeale avant de déménager pour la Toscane dans les années 50.
  • son fils, Pietro Perna, a épousé sa nièce, Rosa Lanfranca - attention aux homonymes - à Camporeale en 1920. Leurs 8 enfants sont tous nés en Tunisie entre 1921 et 1939 et la famille vivait dans le même village que Rosa et son mari Calogero Perna, Aïn-el-Asker, dans le gouvernorat de Zaghouan.
Et, malgré l'éloignement entre Rosa et ses frères, je sais qu'elle a pu garder contact avec eux, surtout avec Michele (décédé en 1965) car Vincenzo est décédé prématurément en 1915 à seulement 50 ans. En effet, ma grand-mère, fille de Rosa, correspondait beaucoup avec son cousin germain, Giuseppe, fils de Michele, et ainsi de suite jusqu'à ma génération : j'ai rencontré mes cousins de Toscane pour la première en fois en 2001.

Voici un « petit » arbre descendant pour résumer le tout :



Là, il faut vraiment cliquer pour agrandir...



Dernier point : il y a de nombreux Lanfranca de Camporeale qui émigré vers la Tunisie dont la plupart étaient de proches cousins. J'imagine qu'ils ont pu se côtoyer mais je n'en ai pas la preuve formelle, d'autant plus que certains se sont fait naturaliser français quand d'autres sont retournés en Sicile par la suite.



10. Sa généalogie sur 4 générations


Bien que j'ai tous les noms sur 4 générations (voire 5 pour certaines branches), il manque certains lieux et dates et je n'ai pas l'assurance de les trouver un jour tant il manque de registres en ligne soit par inexistence soit par lacune. Il faut savoir par exemple que la paroisse de Camporeale n'a été créée qu'en 1779. Avant cette date, les familles venaient d'ailleurs, comme Gibellina, dans le cas des Lanfranca, et il n'y a pas de registre en ligne.


Arbre éventail Geneanet




11. Origine du nom


Lanfranca est un matronyme sicilien, dérivé de Lanfranco (Lanfranchi au pluriel). Il désigne une personne d'origine germanique, Landfranc (Land = pays + franc = du peuple franc). D'après Geneanet, il est documenté en Italie du Nord dès le IXè siècle sous la forme latine Lanfrancus.

Tous les Lanfranca de Camporeale descendent d'un seul couple, arrivé de Gibellina, située à une vingtaine de kilomètres de là, dans les années 1800-1810. Il s'agit de Giuseppe Lanfranca et Caterina Jenna (ou Ienna), arrière-grands-parents de Rosa.

D'après mes recherches, je peux affirmer avec quasi certitude que tous les Lanfranca nés à Camporeale sont mes ancêtres ou collatéraux.



12. Les porteurs du nom Lanfranca


Comme dit précédemment, les Lanfranca de Camporeale descendent d'un seul couple venu d'ailleurs. Ainsi, tous les porteurs de ce nom sont apparentés de près ou de loin à mon arrière-grand-mère Rosa. J'ai même recensé tous ceux qui ont été baptisés en Tunisie via le site Geneanum et la plupart ont leurs parents originaires du village sicilien ! Par conséquent, ceux-là également sont apparentés à Rosa.
A ce jour, j'en ai recensé 95 nés à Camporeale entre 1780 et 1921 et 43 baptisés en Tunisie au 20e siècle.



Les évènements des Lanfranca entre la Sicile et la Tunisie




13. Migration du nom de famille

 
Les premiers Lanfranca de Camporeale sont originaires de Gibellina, situé à une vingtaine de kilomètres de là. Je ne connais pas avec précision la date de leur arrivée à Camporeale car je ne dispose d'aucun acte de naissance ou de baptême des enfants du couple Giuseppe Lanfranca x Caterina Jenna. Comme je ne les ai pas trouvés dans les registres de catholicité en ligne de Camporeale, je suppose qu'ils sont tous nés à Gibellina, En revanche, ils se sont tous mariés à Camporeale, le premier d'entre eux, Antonino, en mai 1823 avec Vita Accurso. Sur l'acte de mariage, il est indiqué être né à Gibellina.
Évidemment, si on veut remonter au plus loin, il m'apparait très difficile de déterminer quand le premier Franc est arrivé en Sicile...



14. Mon ancêtre dans la presse ancienne


A ce jour, j'ai fait très peu de recherches dans la presse italienne. D'ailleurs, en ce qui concerne la Sicile, il n'y a a priori rien en ligne avant 1945. 
Quant à la presse française ou franco-tunisienne, je n'ai rien trouvé sur Rosa Lanfranca. En revanche, j'ai pu trouver quelques coupures sur certains de ces cousins, notamment ceux qui se sont fait naturaliser français. On les retrouve publiés au Journal Officiel, comme par exemple :


Extrait du JORF du 12 avril 1926 - Source Gallica


Ici, Jean Lanfranca, né Giovanni, n'est autre qu'un cousin germain de Rosa. Son épouse Rosalie Lanfranca, qui est aussi sa petite cousine (endogamie encore...), est née en Tunisie en 1905 et est décédée à Rognac (Bouches-du-Rhône) en 1991. Leurs deux enfants, eux aussi naturalisés, Sainte, née Santina (1923-2010) et Anne, née Anna (1925-). Le couple a eu d'autres enfants après 1926 : Simon (1928-1993), Innocent et Joseph.

Plus insolite, on apprend aussi qu'un autre Simon Lanfranca, autre petit-cousin de Rosa, était arbitre officiel à la pétanque !


Extrait du Tunisie-France du 10 mai 1949 - Source Gallica



15. Evènements marquants son village dans la presse


Je mets Camporeale de côté comme vu précédemment. En revanche, côté Tunisie, mon arrière-grand-mère a vécu dans le petit village d'Aïn-el-Asker, où mon arrière-grand-père était viticulteur. Pas grand chose à se mettre sous la dent dans la presse ancienne si ce n'est la nomination d'un vicaire comme desservant les paroisses de Pont-du-Fahs (aujourd'hui El Fahs), Aïn-el-Asker et Bir M'Cherga, toutes étant dans le gouvernorat de Zaghouan.


Extrait de la Tunisie Catholique du 5 octobre 1924 - Source Gallica


C'est d'ailleurs à partir de cette date - 1924 - que certains petits-enfants de Rosa, nés à Aïn-el-Asker, ont été baptisés à l'église Notre Dame des champs de Pont-du-Fahs. J'ignore pourquoi il ne l'ont pas été à Aïn-el-Asker. 
 


16. Mon ancêtre Rosa Lanfranca dans le contexte historique


Voici une petite frise comparative des évènements de Rosa versus l'Histoire :






17. Son conjoint


Calogero Perna (parfois écrit La Perna) est issu du même village que Rosa Lanfranca. Il né en 1876, le 18 novembre et baptisé le lendemain en l'église Sant'Antonio di Padova. Il n'a pas encore 20 ans quand il se marie avec Rosa alors qu'elle en a déjà 26.
Je n'ai pas plus de renseignements sur lui que sur son épouse hormis les actes et la transmission familiale mais je lui ai consacré un RDV Ancestral. Il est décédé aux alentours de 1952 selon les
souvenirs de ma mère et pour les mêmes raisons que pour Rosa, je n'ai toujours pas retrouvé son acte de décès à ce jour.



Calogero Perna à la fin de sa vie - capture d'une photo de famille - colorisée par Marina Amaral



18. Comment les familles pouvaient se connaître


Voilà une question à laquelle il m'est difficile de répondre faute de sources exploitables en Sicile. Il faut savoir que Camporeale n'était pas un petit village car selon la page Wikipedia italienne de Camporeale, il y avait pas loin de 5000 habitants en 1881 ! C'était déjà beaucoup trop pour que tout le monde se connaisse à la manière des petits villages. Par ailleurs, bien qu'il y avait une certaine endogamie chez Perna / Lanfranca, cela a débuté à la génération de Rosa et Calogero car je ne leur ai trouvés aucun ancêtre commun sur 5 générations. Ils devaient tout simplement vivre dans le même quartier.



19. Ses enfants


Je lui connais trois enfants dont un mort en bas âge. Il se peut qu'elle en ait eu d'autres mais il est certain que seulement deux ont atteint l'âge adulte : Pietro et Rosa. 

  • Pietro Perna est né à Camporeale en 1897. Il se marie au même lieu en 1920 avec la fille de son oncle Vincenzo Lanfranca, Rosa Lanfranca, née en 1898. Vu le (trop ?) proche cousinage, cela avait créé du remous à l'époque. Le couple a ensuite émigré en Tunisie où sont nés leurs 8 enfants qui ont tous atteint l'âge adulte. Après la fin du protectorat français et la prise de pouvoir de Habib Bourguiba, la famille a quitté la Tunisie en 1960 pour les Pouilles. Ce n'est que 60 ans plus tard que j'ai retrouvé la trace d'une descendante grâce à l'ADN, nos familles étant brouillées depuis lors pour des raisons diverses.


Pietro Perna & Rosa Lanfranca (son épouse, pas sa mère) à droite et sept de leurs huit enfants en Tunisie, années 40 - collection familiale



  • Giuseppe Perna est né aussi à Camporeale en 1899 mais ne vivra malheureusement qu'un an à peine.

  • Rosa Perna, ma grand-mère, est née à Tunis le 8 mai 1909 et a été baptisée le 22 juillet en l'église Notre-Dame du Rosaire (aujourd'hui c'est un centre culturel). Elle se marie le 19 avril 1931 à l'église du Sacré Cœur de M'rira à Fouchana, non loin de Tunis, avec Lorenzo Ferrara, immigré de Sicile depuis 1928. De cette union sont nés trois enfants, dont ma mère en 1945. La famille quitte la Tunisie en 1957 pour la France où elle s'installe dans l'Essonne, à Marolles-en-Hurepoix. Rosa Perna, nous quittera le 24 août 1998 à Arpajon.


Les extraits de BMS de Tunisie peuvent être obtenus auprès de la prélature de Tunis pour la modique somme de 6,10€ (!)





20. Leurs témoins, marraines et parrains


Concernant Pietro Perna, j'ai de la chance. Je dispose de son acte de naissance et de son acte de baptême, tous deux retrouvés sur le site de Familysearch.
  • La naissance a été déclarée le 24 avril 1897 par son père, Calogero, en présence de Antonino Zuppardo, 38 ans, paysan, et de Andrea Modesto, 50 ans, cordonnier. Si le second ne semble n'avoir aucun lien avec la famille, il se peut que le premier soit un cousin éloigné. En effet Pietro avait une AAAGM qui se nomme Michela Zuppardo.
  • L'acte de baptême a quant à lui été rédigé 8 jours plus tard. La marraine était Stefania Ferrara, qui n'a rien à voir avec ma branche Ferrara de San Cipirello. Quant au parrain, il s'agissait de Raimondo Liotta dont le lien avec la famille n'est pas établi à ce jour.

Egalement pour Giuseppe Perna, je dispose des deux actes :
  • La naissance, le 16 septembre 1899, est aussi déclarée par le père en présence de Leonardo Nicosia et Calogero Occhipinti, des voisins paysans (sans doute travailleurs de terre) sans lien établi avec la famille.
  • Le baptême, près de 2 mois plus tard, le 12 novembre, avec pour marraine Damiana La Pietra, qui est sans doute une cousine, la mère de Calogero Perna s'appelant Rosa La Pietra. Le parrain était Paolo Mirabella dont le patronyme m'était inconnu jusque là à Camporeale.

Enfin, je ne dispose que de l'extrait de baptême de ma grand-mère, Rosa Perna (voir point 19). Sa marraine était Antonina Nicosia, née à Tunis en 1888 mais originaire de Monte San Giuliano. Son parrain n'est autre que le mari de cette dernière, Giovanni Caruso natif de Camporeale en 1880. Ce couple s'est marié à Tunis en 1905 et a eu 3 enfants. Il n'y a pas de lien de parenté établi à ce jour.



21. Présence au mariage de ses enfants


Lorsque son fils aîné, Pietro, s'est marié en 1920 à Camporeale, Rosa et son mari Calogero habitaient en Tunisie et n'ont donc pas fait le déplacement pour ce mariage. De plus, comme j'écrivais plus haut, le fait que son fils se soit marié avec la propre nièce de Rosa a causé du remous. L'apaisement n'est venu que suite à l'émigration du nouveau couple en Tunisie.

En revanche, Rosa et Calogero étaient bien présents au mariage de ma grand-mère mais je n'en sais pas plus à ce stade.



22. Son métier


Je n'ai aucun document d'archives où cette information apparaît si ce n'est l'acte de mariage de son fils Pietro où elle est indiquée comme étant casalinga, c'est-à-dire femme au foyer ; mais elle devait très certainement aussi s'occuper de la petite exploitation viticole qu'elle avait avec Calogero Perna à Aïn-el-Asker en Tunisie.



23. Ses différents lieux de vie


Si vous avez lu les points précédents alors vous savez déjà où a vécu mon arrière-grand-mère Rosa Lanfranca. Elle est d'abord restée à Camporeale où elle est née jusqu'aux alentours de 1905 puis a émigré avec sa famille en Tunisie. Elle a d'abord vécu à Tunis, où est née ma grand-mère avant de s'installer dans la campagne de Zaghouan, à Aïn-el-Asker. 
Pourquoi a-t-elle quitté la Sicile ? La raison principale est simple : pour de nombreux Siciliens et du centre et de l'ouest de l'île, les conditions de vie étaient très difficiles tant et si bien que la province a vu le départ de plus 100 000 personnes entre 1905 et 1907.
Quant à son départ de la capitale tunisienne pour le gouvernorat de Zaghouan, les raisons me sont inconnues. J'ai comme hypothèse le fait que pendant le protectorat français de nombreuses communes ont été créées et que leur attractivité a permis à de nombreux immigrants, même italiens, de s'y installer à moindre frais. Mes arrière-grands-parents étaient loin d'être riches, bien au contraire, mais ils ont pu acquérir leur petite propriété viticole à Aïn-el-Asker.



24. Les recensements


A ma connaissance, il n'existe pas de recensement en Tunisie pendant le protectorat français. En Italie, il existe ce qu'on appelle « l'état des âmes » mais il n'y en a pas en ligne concernant les commues de Sicile de ma généalogie.



25. Je cartographie ses évènements



Cliquez pour agrandir



26. Passages chez le notaire


Sans doute est elle passée chez le notaire avec son mari puisqu'ils ont été propriétaires de leur petite exploitation viticole. J'en ignore simplement la date, ainsi que le nom du notaire, s'il était français ou italien... Tout cela s'est passé en Tunisie, donc les archives notariales, ce n'est pas la peine d'y songer. Je n'ai guère retrouvé de documents dans nos archives familiales, par ailleurs.



27. Récompenses ?


Néant.



28. Les objets de son quotidien


Je n'ai évidemment pas retrouvé d'inventaire après décès ou de déclaration de succession me permettant d'imaginer le quotidien de Rosa Lanfranca. Néanmoins, il y a bien un objet qu'elle possédait et qui a traversé les décennies jusqu'à rejoindre le mobilier de la maison de ma mère : sa machine à coudre !



La machine à coudre Singer de Rosa Lanfranca - photo de 2022.

 
Grâce à son numéro de série et au site officiel de Singer, nous avons pu dater cette machine, qui fonctionne toujours, de l'année 1910. Rosa avait donc au moins 40 ans quand elle l'a reçue. Je l'imagine alors rafistoler tous les vêtements de sa famille et pourquoi pas de son voisinage proche. A son décès, c'est ma grand-mère qui l'a récupérée puis emmenée en France par bateau, comme en atteste le certificat de changement de résidence de mes grands-parents que nous avons conservé.



Extrait de l'inventaire joint au certificat de changement de résidence de mes grands-parents établi en 1957 à Saint-Germain, aujourd'hui Ez Zahra (Tunisie) - Archive familiale



Cette machine à coudre a rejoint la maison de ma mère en 1998.



29. Sa succession

 
J'ignore tout de sa succession, n'ayant aucun document de cet ordre. Comme elle est décédée avant son époux, Calogero, le peu de biens qu'elle pouvait posséder ont dû rester dans la maison familiale. Je sais en revanche, par transmission orale, qu'après le décès de Calogero, sa succession a permis à ma grand-mère de faire construire une petite maison à Saint-Germain - aujourd'hui Ez Zahra - dans la banlieue de Tunis, dans la rue Pasteur, lieu qui existe toujours aujourd'hui. Pas la maison, cependant.
 
 
 

30. Sa sépulture

 
Rares sont les cimetières catholiques qui existent toujours en Tunisie depuis la fin du protectorat. On ignore où ont été enterrés Rosa et son époux Calogero. Néanmoins, ma mère se souvient leur avoir rendu visite avant de quitter la Tunisie en 1957 mais elle n'avait que 12 ans. Elle se remémore uniquement le tas de terre surmonté d'une croix en bois. Inutile aujourd'hui d'espérer retrouver cette tombe mais j'espère au moins retrouver son emplacement un jour. 
On notera tout de même qu'il existe toujours à ce jour un ancien cimetière privé protestant à Aïn-el-Asker (abandonné) mais y enterrait-on les catholiques ? Cela m'étonnerait.
 
 
 
 
Unique photo retrouvée sur Google Maps du cimetière protestant abandonné de Aïn-el-Asker

vendredi 27 mai 2022

Joseph, mort en pleine rue

Joseph, c'est mon arrière-grand-père, sosa 16 de mes filles. J'en ai déjà parlé dans deux précédents billets : ici et . Ce nouveau billet voit le jour car j'ai enfin pu retracer ses dernières heures avant sa mort subite, en pleine rue, dans le 7e arrondissement de Paris. C'était le 9 mars 1927, vers 15h15, comme attesté dans l'acte de décès ci-dessous :



AD de Joseph Bourdin-Grimaud - 1927 - Paris VIIe - Source AD75


« Le neuf mars mil neuf cent vingt-sept, quinze heure quinze minutes, est décédé en face le N°107 de la rue Saint Dominique Joseph BOURDIN-GRIMAUD, domicilié à Pantin (Seine) 48 avenue Jean Jaurès, né à Pantin, le vingt novembre mil huit cent quatre vingt-un, cocher-livreur, fils de Julien BOURDIN-GRIMAUD et de Jeanne NARD, époux décédés. Epoux de Marie Céline BERNOVILLE.- Dressé le dix mars mil neuf cent vingt-sept, douze heures, sur la déclaration de Maurice PORT, trente-deux ans, employé, domicilié, 122 rue de Grenelle, qui, lecture faite, a signé avec Nous, Jean Marie Raymond Laburthe, adjoint au Marie au septième arrondissement de Paris./.»


Ce que nous apprend l'acte


Cet acte, comme de nombreux actes de décès, outre son état civil, ne nous apprend pas grand chose sur Joseph hormis deux éléments :
  • Il n'est pas décédé en son domicile, ni à l'hôpital mais a priori dehors, en pleine rue.
  • Le décès a été déclaré le lendemain par un employé d'une société de pompes funèbres. L'acte ne le dit pas explicitement mais une recherche sur l'adresse de l'employé a permis de le démontrer. D'ailleurs, il existe toujours une société funéraire à cette adresse de nos jours.

Ce que disait la mémoire familiale


Je n'ai pas connu mon grand-père, fils unique de Joseph, pas plus que mon père n'a connu le sien, donc Joseph, décédé 20 ans plus tôt que sa naissance. Mon père ne savait donc quasiment rien sur son grand-père et son père ne lui en parlait jamais. Nous savions simplement que Joseph était supposément décédé d'une crise cardiaque causée par ses excès. En effet, toujours selon mon père, Joseph était livreur de vin mais devait aussi en consommer au-delà du raisonnable. Soit, tout cela reste des suppositions.


Un service d'archives peu connu


Ce que j'ignorais au début de mes recherches généalogiques (l'acte de décès de Joseph est un des tout premiers que j'ai obtenus en 2004) mais que j'ai découvert fortuitement quelques années plus tard est que les morts subites sur la voie publique devaient faire l'objet d'un signalement au commissariat de police local. Il me fallait donc avoir accès aux archives des mains courantes du commissariat du quartier où est décédé Joseph : celui du Gros Caillou. Pour ce faire, il existe un service d'archives peu connu mais bien utile : les archives de la Préfecture de Police sises au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) qui conservent les archives des commissariats des 80 quartiers de Paris ainsi que de quelques communes de l'ancienne Seine.


Les archives conservées


Outre les mains courantes que l'ont peut retrouver dans la sous-série CB, voici un extrait de ce qu'on peut trouver aux archives de la Préfecture de Police, certaines datant de l'ancien régime :
  • Les registres d'internement ;
  • L'institut médico-légale (morgue) ;
  • Les dossiers de personnel ;
  • Registres d'écrou ;
  • Fichier des étrangers et des personnes surveillées ;
  • Etc.
A noter que ces archives ont aussi subi les mêmes désagréments que celles de Paris, notamment lors de la Commune. Aussi, de nombreuses lacunes sont à déplorer.
La Revue Française en avait fait un article que je vous recommande : ici.


Revenons au cas de Joseph


J'avais prévu de très longue date de me rendre aux archives de la Préfecture de Police mais les aléas de la vie ainsi que la crise sanitaire de la Covid19 sont passés par là mais j'ai enfin pu m'y rendre au mois de mai 2022. J'ai fait chou blanc pour toutes mes recherches sauf pour mon AGP Joseph, ouf ! J'ai trouvé mon bonheur sous la cote CB 28.44 :



Déclaration de « mort subite » de Joseph Bourdin-Grimaud du 10/03/1927


« Déclaration faite par M. Germain Bruandet, 56 ans, charretier, habitant 27 rue des [Sept] Arpents à Pantin. »

« Bruandet dit qu'il est au même service que Bourdin chez M. Vergne fondeur de fer 23 rue de Paris à Pantin. Qu'ils avaient été chargés de conduire une voiture pour faire une livraison à Puteaux et à leur retour ils avaient pris de la fonte rue de Suffren pour la porter à Pantin. Bourdin montant en tête. Bruandet a vu rue Saint Dominique Bourdin s'affaisser sur sa voiture. Transporté à la pharmacie Guichon il a été constaté qu'il était mort. Certificat médical légal de Dr De St Albin concluant à mort due à une syncope cardiaque au cours d'une maladie de foie avec insuffisance rénale. »



Ce que m'apprend ce document


Ce document confirme en partie la mémoire familiale :
  • Joseph est bien décédé d'une crise cardiaque suite à une maladie touchant à la fois son foie et ses reins. Le raccourci est vite fait avec son penchant pour les tonneaux de vin mais :
  • Il n'a pas fait que livrer du vin au cours de sa carrière de cocher-livreur puisque ce jour fatidique il travaillait pour un fondeur de fer.
  • Ses trajets devaient être longs car ce jour-là son itinéraire devait être entre autres : Pantin - Puteaux - Paris VII (avenue de Suffren - Saint-Dominique) - Pantin.

Extrait d'un plan de Paris dressé par L. Guilmin en 1926 - Gallica


  • Grâce à Gallica, j'ai pu retrouver l'adresse de la pharmacie Guichon : au 88 de la rue Saint-Dominique, à l'angle avec la rue Malar. C'est toujours une pharmacie aujourd'hui. Le commissariat du Gros Caillou était lui au numéro 170.



Comparaison avant/après angle rue Saint-Dominique - rue Malar / CPA Delcampe - Google Street View



Conclusion


Je ne peux pas dire que j'ai beaucoup d'ancêtres pour qui j'ai pu retracer les dernières heures de vie. Ici, pour le cas de mon arrière-grand-père Joseph Bourdin-Grimaud, cela aurait été difficile voire impossible s'il était décédé paisiblement chez lui. Egalement, sans les archives de la Préfecture de Police, je ne serais pas arrivé à ce résultat. Il existe bien sûr d'autres archives liées à la police aux archives départementales et communales mais pas les mains courantes. Aussi, je ne saurais trop vous conseiller que de vous rendre à ces archives si vous avez un ancêtre / collatéral parisien décédé dans des circonstances étranges.