samedi 29 février 2020

Nos ancêtres du 29 février



Le 29 février n'arrive qu'une fois tous les 4 ans, pendant les années bissextiles. Pas de chance pour celui ou celle qui naît ce jour-là ! Et c'est comme ça depuis des millénaires : le calendrier romain, avant même la création du calendrier julien, avait son mois de février (du latin februare signifiant purifier) tronqué de quelques jours.
Pourtant avec 365 jours par an, il était possible de ne faire que des mois de 30 ou 31 jours ! Une légende prète à l'empereur Auguste d'avoir voulu retirer un jour à février pour que son mois soit aussi long que celui de César, le mois de juillet. Il semble pourtant qu'auparavant le plus court mois du calendrier actuel fût déjà aussi court.
Bref ! Et nos ancêtres dans tout cela ?

Quid des ancêtres de mes filles ?


Parmi les milliers d'ancêtres et collatéraux de mon arbre, j'ai retrouvé quelques ascendants nés ou décédés un 29 février ainsi qu'une quantité non négligeable de collatéraux. Comme il m'est difficile de n'en choisir qu'un seul ou n'ayant que peu de matière sur chacun d'eux, j'ai décidé de tous vous les exposer avec, si possible, leurs particularités.

Marie Boulet (collatérale)


Marie Boulet est décédée le 29 février 1724 à Grougis (Aisne) où est elle née 22 ans plus tôt. Elle était la fille de Jean et de Jeanne Floquet, sosa 4546 et 4547, qui ont eu au total 11 enfants.

Particularité : sa mère est décédée un mois plus tard.


Acte de sépulture de Marie Boulet - Grougis 1724 - Source AD02

Catherine Gigaye (collatérale)


Catherine Gigaye est décédée exactement le même jour que Marie Boulet mais à Metz, paroisse Saint-Livier. Elle n'avait que 4 jours. Elle est la fille de Nicolas et de Madeleine Noël, sosa 1154 et 1155, qui ont eu 13 enfants au total.

Particularité : son patronyme, sous cette forme, a totalement disparu aujourd'hui. Voir ici.

Acte de Sépulture de Catherine Gigaye - Metz Saint-Livier 1724 - Source AM Metz

Jean Pierre Argenson (sosa 246)


Jean, Pierre Argenson, sosa 246 de mes filles, est né en 1768 au mas de l’Appétit, commune de Sénéchas, aujourd'hui territoire du Chambon, dans le Gard. Il a en revanche été baptisé dans la commune voisine de Portes, 4 jours plus tard. Il est le fils de Pierre et de Jeanne Tribes.
Il s'est marié en 1796 avec Victoire Martin (1769-1811) avec qui il a eu  7 enfants. Il s'éteint dans le mas de sa naissance le 12 février 1841, à l'âge de 72 ans.

Particularité : le mas de l'Appétit où il est né et décédé est aujourd'hui un tas de ruines très difficile d'accès.


Acte de Baptème de Jean Pierre Argenson - Portes 1768 - Source Brozer

Marianne Lunaret (sosa 3521)


Marianne Lunaret, parfois dite Élisabeth, est née le 25 mai 1684 à Nizas (Hérault) et est décédée le 29 février 1768 dans la même en commune. En 1713 elle a épousé Jean Gondard (1686-1758) avec qui je lui connais 4 enfants.

Particularité : plus aucune naissance répertoriée après 1915 avec ce patronyme.

Acte de sépulture de Marianne Lunaret - Nizas 1768 - Source AD34

Dominique Louis Livorain (collatéral)


Dominique, Louis Livorain est né le 29 février 1780 à Nomeny (Meurthe-et-Moselle) et était militaire de carrière. Il était le fils de Gaspard Charles François, notaire, et de Marie Élisabeth Millery, sosa 294 et 295 de mes filles. Il s'est marié à Thionville en 1815 avec Françoise Constant avec qui il a eu un fils. Il est décédé dans la même commune, à seulement 41 ans, le 5 décembre 1821.

Particularité : premier d'une lignée de militaires ayant été élevés au rang d'Officiers de la Légion d'Honneur. J'avais écrit sur leur patronyme lors du ChallengeAZ 2019.

Acte de baptème de Dominique Louis Livorain - Nomeny 1780 - Source AD54

Claude Guyot (sosa 412)


Claude Guyot, cordonnier comme son père, est né à Berlats (Tarn) le 31 janvier 1761. Il s'est marié dans la même commune avec Marie Carayon (1759-1829) avec qui il a eu au moins 5 enfants. Il est décédé dans une commune voisine, Gijounet, le 29 février 1824.

Particularité : bien que tarnais, Claude Guyot est d'origine rhodanienne. En effet, son père Claude dit Sans-Chagrin est né à Beaujeu (Rhône) puis s'est installé dans le Tarn à l'âge adulte. Il semble qu'à l'origine leur patronyme s'écrivait Guyon.

Acte de décès de Claude Guyot - Gijounet 1824 - Source AD81


Joseph Bertholet (collatéral)


Joseph Bertholet est un petit ange parti trop tôt comme de nombreux enfants encore à cette époque : il est décédé le 29 février 1832 à Souclin (Ain). Il était le cousin au 5e degré de mon trisaïeul Julien Bourdin Grimand.

Particularité : aujourd'hui, le maire de Souclin est un Bertholet (Albert).

Acte de décès de Joseph Bertholet - Souclin 1824 - Source AD01

Georges Gaston Bernoville (collatéral)


Georges, Gaston Bernoville est né à Valenciennes (Nord) le 29 février 1884, fils d'Armandine Prudence Bernoville (1859-1910) et d'un père inconnu. Il s'est marié en 1908 à La Sentinelle (Nord) avec Élise Brunelet avec qui il a eu un fils, René (1912-1996). C'était un petit cousin éloigné de mon arrière-grand-mère Marie Céline Bernoville (1886-1954).

Particularité : bien que décédé à Valenciennes le 13 octobre 1926, il fait partie des morts pour la France de la Première Guerre Mondiale.

Extrait d'acte de mariage de Georges Gaston Bernoville - La Sentinelle 1908 - Source AD59

Ignazio Cacioppo (collatéral)


Ignazio Cacioppo est un autre petit ange parti trop tôt, à l'âge de 4 ans, le 29 février 1884 à San Cipirello (Sicile). C'était le fils de Damiano et Felicia Bufalo et arrière-petit-fils de Damiano et Anna Maria Caruso, sosa 82 et 83 de mes filles.

Particularité : Les Cacioppo ont beaucoup migré : Tunisie et États-Unis. Ce sont d'ailleurs des membres de cette famille qui a arrangé le mariage de mes grands-parents en Tunisie.


Eugénie Victorine Tricoteux (collatérale)


Eugénie Victorine Tricoteux, fille de Louis Joseph Etienne et de Marie Catherine Ismérie Boulet, est née le 18 mars 1859 à Grougis où elle est décédée le 29 février 1888 à seulement 28 ans. Elle était marié avec Fortuné Eugène Hénin avec qui elle a eu deux enfants.

Particularité : Eugénie Tricoteux est une nièce à la 5e génération de Marie Boulet, première personne que j'ai citée dans mon billet.

Acte de décès d'Eugénie Victorine Tricoteux - Grougis 1888 - Source AD02

Jules Charles Doyen (collatéral)


Tous ces petits anges de mon arbre... Né le 29 février 1896 à La-Neuville-Bosmont (Aisne), il est décédé seulement 8 jours plus tard. C'était le fils de Marie Angèle Doyen (1877-1961) et d'un père inconnu. Il descend de Pierre Doyen (1755-1806) et Marie Marguerite Dautreppe (1756-1823), sosa 280 et 281 de mes filles.


Particularité : quand on s'appelle Doyen, on n'est malheureusement pas toujours destiné à vivre longtemps. Ceci dit, ce nom ne désignait pas une personne âgée mais plutôt un chef. Voir ici.

Jean Chaulet (collatéral)


Je termine mon billet par de nouveau un bébé malheureusement décédé à l'âge de 3 mois. C'était le 5 juin 1932 à Alger où Jean Chaulet est né le 29 février de la même année. Fils d'Alexandre Edmé (1903-1963) et de Suzanne Claire Bernadette Tamiatto (1905-1986), il était le cousin issu de germains de ma belle-mère par la branche algérienne des Tamiatto.


Particularité : Jean Chaulet était le deuxième enfant d'une fratrie de 10. Il avait un frère, Pierre (1930-2012), professeur de médecine, dont l'engagement avec sa femme Claudine Guillot (1931-2015) dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie était reconnu.


Publication des naissances du 29 février 1932 sur l'Echo d'Alger - Source Gallica


samedi 15 février 2020

RDV Ancestral : voyage dans l'au-delà, épisode 2

Si vous avez raté le premier épisode, rendez-vous ici !

Alors que  mon père et moi sortons de la maison, laissant les chiennes vaquer à leurs occupations canines, j'aperçois d'autres lumières émanant du voisinage proche. Je demande alors à mon paternel :

- Tu as vu du monde depuis que tu es  ?
- Bien sûr ! Tous les vieux que tu as connus sont là ! Les Guyot, les Guibout, les Langlois, les Amoroso et j'en passe !
- Incroyable...

Il me faut décidément accepter que tous les défunts se retrouvent en cet univers parallèle que je n'oserais nommer Paradis ou Enfer. Un agnostique comme moi ne pourrait s'y résoudre !

Une fois dans la rue, la stupeur me saisit une fois de plus. Ma voiture auparavant accidentée est flambant neuve !

- Papa, c'est quoi ce bordel ? Voilà que ma Renault se prend pour Christine* !
- Je crois que tu n'as encore rien vu, se contente-t-il de répondre avant de m'accompagner à bord du véhicule.

Nous prenons alors le chemin inverse qui m'avait amené ici pour retrouver l'autoroute A6. Nous devons en effet remonter sur Paris pour ensuite emprunter le boulevard périphérique jusqu'à la porte d'Aubervilliers. Aubervilliers, c'est là que mes grands-parents habitaient, jusqu'en 1970 pour ma grand-mère et 1982 pour mon grand-père. Dans une rue où je ne suis jamais allé dans le monde réel sauf avec Google Maps, la rue Henri Barbusse. Inutile de répéter que tout l'environnement est obstinément sombre, noir, opaque ! Quelques rares lumières au lointain nous indiquent que nous ne sommes pas seuls. Enfin, pour ce qui est de la route, c'est bien le cas.


Le Périph' parisien, vide et sombre !


Je reprends la conversation avec mon père :

- Dis donc, pourquoi tu n'as jamais essayé d'aller voir tes parents ?
- Pour ça il aurait fallu que je connaisse un cheminot de mon vivant...
- Que veux-tu dire ?
- Bah ! Tu n'as pas encore compris que nous ne pouvons voir que les gens que nous avons fréquentés dans la vie ? Depuis que je suis là, je n'ai pas vu un seul bus ou un seul train. J'en ai conclu qu'aucun conducteur n'est passé de l'autre côté !
- Bon admettons. Mais tu aurais pu demander à un voisin de t'emmener, non ? J'ai bien vu la voiture de Claude devant chez nous.
- Je ne veux pas embêter les gens...

Eh voilà ! C'était pareil de son vivant : la peur de déranger ! Il a toujours dépendu des transports en commun, n'ayant jamais passé l'examen du permis de conduire. Pour ce qui était de l'emmener quelque part en dehors de son travail, il y avait bien ma mère mais pour le reste, pas question d'aller voir quelqu'un d'autre. Du reste, il y a quand même quelque chose qui cloche, alors j'enchaine :

- Mais dis donc, tu as fait comment pour revenir à Longjumeau depuis Clamart ? Je te rappelle que tu es... Bon t'étais à la clinique tout de même !
- Certes, mais je me suis réveillé  au cimetière.
- Mais c'était une semaine après ! Moi, je suis a priori revenu à moi juste après mon accident !
- Que veux-tu que je te dise ? Le délai est peut-être variable selon les gens ou la cause du décès...
- Bon, bon, bon. Passons. Nous arrivons. Tendu ? Impatient ?
- Et toi ?


L'immeuble où vivaient mes grands-parents à Aubervilliers

Nous frappons à la porte de l'appartement supposé des grands-parents. Une voix à l'accent typiquement parisien se fait tout de suite entendre, sans doute mon grand-père :

- Oui j'arrive !

La porte s'ouvre alors sur cette personne que j'aurais pensé plus imposante, plus charismatique, mais il n'en est rien. En photo je le trouve impressionnant mais ici ce n'est pas le cas. Après tout, il a 74 ans, les cheveux grisonnant et le dos légèrement vouté, ce n'est pas cette image que j'ai gardée de lui.

Marcel Bourdin-Grimaud, mon GP, en 1943 alors qu'il était STO à Berlin 

- Non ? Bernard, c'est toi ? J'ai eu du mal à te reconnaître, fait-il, surpris.
- Oui, normal, j'ai presque ton âge...
- Comment ? T'as même pas réussi à vivre plus longtemps que moi ?

Là, je constate qu'il est tel qu'on me l'a conté : toujours aussi moqueur, à rabaisser son unique fils quelle que soit la situation. Passer de l'autre côté, si c'est bien ce qui nous est arrivé, ne fait pas changer les gens.
Il reprend le fil de la discussion alors qu'il me fixe tout à coup :

- Et lui, qui c'est ? Il nous ressemble, c'est François ?
- Non, je suis son petit-frère, celui que tu as à peine connu, j'avais dix-huit mois quand tu as eu ton AVC, grand-père !
- Ah ? C'est ça qui m'a eu ? Je ne savais pas, merci de me l'apprendre, gamin. Je vois que tu as fait encore pire que ton père.
- Pas de ma faute si les gens conduisent mal, lui réponds-je. Mais trève de plaisanteries, tu vas nous laisser sur le palier ou nous permettre de voir enfin ma chère grand-mère ?
- Ta grand-mère ? Oh oui, ton père la verra mais pas toi.
- Hein !? Mais pourquoi ?
- C'est ce que j'essayais de t'expliquer, réplique mon père.

C'est donc ça. Dans cet espèce de monde obscur, seuls les défunts qui se sont connus dans le monde réel peuvent se voir les uns les autres. C'est bien ma veine, comment vais-je faire pour rencontrer toutes celles et ceux qui sont décédés avant ma naissance ? Un RDV Ancestral classique est bien plus simple ! Je n'avais qu'à imaginer l'ancêtre et pouf il apparaissait. Maintenant je vais devoir passer par des intermédiaires, parfois gênants, pour communiquer avec mes aïeux. Ce serait mieux que je me réveille enfin. A moins que... Non, non je vais forcément me réveiller.

- Très bien, ce n'est pas grave, l'un de vous deux va bien m'aider à communiquer avec ma grand-mère, n'est-ce pas ?
- Excuse-moi mais j'ai beaucoup de choses à dire à ma mère, répond mon père. Tu comprends, elle a raté mon mariage et tout ce qui a suivi, je la sens impatiente de tout savoir. Et puis elle m'a tant manqué. Et toi ? Tu n'as pas envie d'en apprendre plus sur ton grand-père ? Après tout, tu m'as tellement bassiné avec ta généalogie...
- On va d'abord boire une anisette ! l'interrompt alors ce dernier.

(Oh non, pas encore, poivrots de père en fils...)

Une fois leurs verres descendus, je laisse mon père s'entretenir avec sa mère et prend mon aïeul en aparté :
- Bon, grand-père, une question me taraude. As-tu vraiment fait partie de la résistance comme me le soutenait papa ? J'ai fait des recherches à ce sujet : aux archives de Paris, au service historique de la défense : rien, nada, des nèfles. Alors ?
- Tu sais que je suis communiste ?
- Oui et alors ? Ce n'est pas un certificat d'appartenance à la résistance, que je sache...
- Je me suis évadé de Berlin.
- Oui, quand tu étais STO, parait-il, mais à part ton statut de réfractaire, je n'ai rien pu prouver. Qu'as-tu fait avant ? Après ?


Attestation de la qualité de réfractaire du STO délivrée à mon GP en 1946 - archive familiale

- Je n'ai pas envie d'en parler. Si tu veux vraiment savoir, débrouille-toi tout seul.

Je ne suis pas étonné par sa réponse. Beaucoup de femmes et hommes ont voulu taire leur passé de cette époque, qu'il soit glorieux ou honteux, pour ne pas ressasser, par pudeur, peur, fierté ou tristesse. Ce n'est pas en insistant que j'obtiendrai des réponses. Au contraire, il n'y a rien de mieux pour braquer les gens. Je me rappelle combien mon père disait que je ne faisais que « déterrer les morts » pour dénigrer ma passion pour la généalogie.

Je décide donc de le laisser avec ses parents - ils ont vraiment besoin de se retrouver - pour me concentrer sur la prochaine personne à aller rendre visite. Une personne que je considérais comme ma grand-mère, telle la subsitution de celle que je ne peux toujours pas voir ici même. Il s'agit de Paulette, sa cousine issue de germains.

A suivre.


* Oui, oui, encore du Stephen King !

mercredi 5 février 2020

L'art de tourner en rond : le cas Auguste Conort

Cette histoire que je vais vous raconter s'est déroulée sur plusieurs années, je dirais trois au maximum. Je m'occupais alors de la généalogie de Madame et dans sa famille il y avait une vieille légende comme quoi un oncle centenaire serait décédé bêtement après être sorti en pleine nuit de sa maison d'habitation alors que l'hiver régnait en maître absolu.

Cet oncle s'appelle Jean Auguste Conort (ou Conord selon les actes) et la maison en question est un mas cévenol que la famille possède toujours aujourd'hui et ce depuis sept générations. Au début les recherches furent assez simples, il suffisait de partir de son acte de naissance, d'y ajouter une centaine d'années et de demander l'acte de décès à la commune où est situé le mas en question. 

Première demande : échec cuisant. La réponse de la mairie fut la suivante : « pas de décès à ce nom-là entre 1932 et 1952 ». Fin de l'histoire, légende enterrée. Mais alors, où est-il décédé, et quand ? Retraçons un peu sa vie en quelques dates :

Naissance, mariage et enfants


Jean Auguste Conort naît à Tarabias, hameau du Chambon, dans le Gard, le 27 mars 1841. C'est une chance d'avoir son acte de mariage car cette commune a été créée en 1839 par un démembrement de Sénéchas, commune voisine. Les premiers registres n'ont été établis qu'en 1841. « L'oncle Auguste » est le fils de Jean Baptiste Conort (1811-1885) et de Victoire Henriette Arnal (1812-1891), les sosas 120 et 121 de mes filles.


Actes paroissiaux et d'état civil du Chambon (1608-1932) » État civil » Actes » 1841-1842 - Image 35 sur 68

Il sera propriétaire cultivateur dans ce même hameau puis épousera en 1875 Marie Adeline Cartier (1842-1915) à Sénéchas. Elle lui donnera deux enfants qui, malheureusement, ne survivront pas à leurs parents. Il s'agit de :
  • Benjamin, Auguste (1881-1881)
  • Marie, Germaine, Henriette (1883-1903)
Avant qu'ils ne soient mis en ligne par les AD30, j'avais recherché cette famille dans les recensements de population. On la retrouve par exemple en 1891, avec la mère d'Auguste, toujours au hameau de Tarabias :


Listes nominatives de recensement de population (1836-1936) - 6 M » De Barjac à Chamborigaud » Chambon » 1891 - Image 11 sur 16


Veuvage


Auguste devient veuf en 1915 à l'âge 74 ans. Il se retrouve donc seul car il n'a plus aucun enfant vivant. Est-il resté vivre dans sa propriété de Tarabias ? Oui, dans un premier temps. Dans les recensements de 1921, on l'y retrouve bien, il a déjà 80 ans. En revanche, en 1926, on le retrouve au hameau du Cornas parmi certains enfants, restés célibataires, de son frère Félix Eugène Marcelin, sosa 60 de mes filles. C'est un indice car en fait ce frère habitait déjà à l'époque le fameux mas évoqué en introduction, son acte de décès en 1921 l'en atteste :


Décès au lieu-dit Prentigarde de Félix Eugène Conort en 1921 - source mairie du Chambon

En 1926 donc, Auguste a 85 ans et vit avec :
  • Alphonse Conort (1874-1953), son neveu et chef de ménage,
  • Célina Conort (1882-1957), sa nièce, institutrice à la Vernarède,
  • Suzanne Conort (1886-1960), son autre nièce, sans profession et qui a toujours vécu là.
En 1931, on le retrouve encore dans le mas et il a 90 ans ! Avec :
  • Alphonse,
  • Suzanne,
  • Alice Fabrègue (1915-1986), sa petite-nièce sans doute de passage.
Enfin en 1936, il a 95 ans et il est toujours là ! Avec :
  • Alphonse,
  • Suzanne,
  • Eugénie Conort (1865-1947), soeur aînée des précédents, directrice d'école à la retraite revenue là pour y finir ses jours.

Listes nominatives de recensement de population (1836-1936) - 6 M » De Barjac à Chamborigaud » Chambon » 1936 - image 11 sur 12


A l'époque de mes recherches, je n'avais pas regardé les recensements de 1946 car cela lui aurait fait 105 ans mais j'en savais assez pour relancer la mairie du Chambon quant à son acte de décès. J'avais bien insisté sur le fait que l'oncle Auguste avait vécu au mas de Prentigarde et donc au Chambon jusqu'en 1936.

Et bien non ! Secrétaire de mairie catégorique ! Retour à la case départ.


Recherches dans d'autres communes


Je ne me suis pas avoué vaincu pour autant. Profitant justement de mes vacances d'été à Prentigarde, j'ai décidé d'aller faire un tour à la commune voisine de la Vernarède où certains membres de la famille Conort sont décédés, comme Alphonse en 1953 ou Célina en 1957. Je me suis donc rendu à la mairie de ladite commune où un agent bien sympatique avait retourné tous ses registres, en vain. Il m'a alors suggéré deux autres communes : Chamborigaud, non loin de là, où il y a aujourd'hui une maison de retraite, et Alès, la plus grande ville avant Nîmes à trente minutes de route. Oui ! Mais à l'époque, combien de temps mettait-on pour s'y rendre !? Il faut savoir que le mas de Prentigarde est juché en haut de colline (environ 400m d'altitude) et que les pistes ne sont toujours pas goudronnées aujourd'hui (tant mieux d'ailleurs). Alors dans les années 30 je n'en parle même pas.

Trève de suspense : chou blanc à Chamborigaud. Idem à Alès.


Carte des environs du Chambon (OpenStreetMap)

Dernier recours : les tables de successions et absences


De retour dans le gris parisien sans l'acte de décès en poche, je me suis dit que je n'allais tout de même pas écrire à toutes les communes limitrophes du Chambon, cela n'avait pas de sens et mon intuition me disait de persévérer sur la légende familiale. J'ai donc eu recours au fameux Fil d'Ariane pour rechercher Auguste dans les tables de successions et absences du bureau de la Grand'Combe dont dépendait le Chambon à l'époque. Si Auguste n'est pas décédé au Chambon, il devait toujours y être domicilié !

La réponse a été rapide : je remercie les bénévoles de l'association une nouvelle fois !


Que voit-on ? Et bien il est décédé au Chambon !

Ni une, ni deux, j'envoie un email pour la troisième fois à la mairie du Chambon. Réponse le jour même :



Tadam !





Auguste Conort est donc décédé le 24 décembre 1940 à deux heures du matin au mas de Prentigarde trois mois avant de fêter son centième anniversaire. C'était bien en plein hiver, durant la nuit et il n'avait pas loin de 100 ans. La légende est ainsi finalement partiellement prouvée !


Conclusion


Je vais conclure avec cette citation que l'on peut trouver un peu partout sur les sites qui traitent de généalogie : « Les recherches par correspondance sont possibles à condition que la demande soit précise (date exacte de l’acte par exemple) et motivée. La Circulaire du 16 juin 1983 rappelle que les services d’archives publics n’ont pas à se substituer aux particuliers pour effectuer des recherches à leur place ».
Soit la secrétaire de mairie a appliqué cette circulaire sans me le dire, soit elle a eu la flemme de chercher. Dans les deux cas, avec seulement une dizaine de décès par an (avec tables !), il faut vraiment faire preuve de mauvaise volonté ou ne pas voir un éléphant dans un dé à coudre ! ;-)

Et surprise de dernière minute, voici Auguste Conort !

Auguste Conort - 1938-1939 - Croquis par Henri Tamiatto (1910-1998) - Famille Tamiatto-Bernardot