vendredi 17 novembre 2023

La généalogie en musique : « One last goodbye »

En 2022, je n'avais eu ni le temps ni l'inspiration pour me lancer dans ce grand défi qu'est le ChallengeAZ mais pour cette année 2023, j'ai trouvé une idée grâce à @Stefieh37. En effet, pour son propre ChallengeAZ 2022, elle avait décidé de combiner sa passion du cinéma horrifique à celle de la généalogie et avec brio ! 

Alors, pour ma part, je vais vous faire découvrir une partie de mes goûts musicaux à travers 26 titres d'artistes divers et (a)variés, le tout avec un lien plus ou moins capillotracté avec la généalogie de mes filles.

Au tour de la lettre O !






Anathema, groupe anglais fondé en 1990 et en pause depuis 2020, est un groupe qui me tient vraiment à cœur car leurs chansons ont accompagné mes hauts et mes bas pendant plus de 20 ans. Je l'ai vu en concert environ 25 fois. Originaire de Liverpool, il officiait au départ dans un genre plutôt inaccessible au commun des mortels : le doom death metal. Des guitares saturées, un tempo lent, un chant écorché et des textes poétiques empreints de mélancolie. Par la suite, si le thème de la mélancolie est resté dans les veines de ses membres, le groupe a évolué au fil des années dans un style plus rock alternatif avec des influences comme Radiohead ou Pink Floyd. 
Le titre « One Last Goodbye » comme tout le reste de l'album « Judgment » n'échappe pas, mais alors vraiment pas, à ce thème puisqu'il est dédié à la mère de trois membres du groupe, Helen Cavanagh, décédée en 1998 d'une longue maladie à l'âge de seulement 49 ans. 

Dépressifs s'abstenir...






Court extrait des paroles et traduction :


« And somehow I knew you could never, never stay / Et d'une certaine manière, je savais que tu ne pourrais jamais, jamais rester
And somehow I knew you would leave me / Et d'une certaine manière, je savais que tu me quitterais
And in the early morning light after a silent peaceful night / Et à la lumière du matin après une nuit paisible et silencieuse
You took my heart away, oh I wish, I wish you could have stayed / Tu as emporté mon cœur, oh j'aurais aimé, j'aurais aimé que tu puisses rester »



Le lien avec ma généalogie


Les enfants d'Helen Cavanagh, Daniel et les jumeaux Vincent et James, étaient jeunes quand ils ont perdu leur mère (26 et 25 ans) et cette terrible perte n'aura jamais cessé de les marquer et d'influencer leurs compositions tout au long de leur carrière. Quand mon père a perdu sa propre mère, il avait quasi le même âge qu'eux (22 ans) et je crois bien qu'il n'en a jamais fait le deuil. Il est donc temps que j'approfondisse le portrait de ma grand-mère Giselle Bousse que je vous avais présentée lors de mon tout premier RDV ancestral.


Naissance et enfance sans père


Giselle Victorine Adeline Yvonne Bousse est née en pleine première guerre mondiale, le 22 septembre 1914 à Etampes-sur-Marne, commune axonaise limitrophe de Château-Thierry, la ville natale de Jean de la Fontaine. Elle est la fille unique de Paul Victor Bousse (Reims 1888 - Paris 1942), alors au front dans l'Est, et de Berthe Louise Irma Nique (Remigny 1888 - Château-Thierry 1969). La naissance est déclarée par sa grand-mère maternelle Irma Polixène Leroy (Remigny 1864 - Etampe-sur-Marne 1920). Ses parents se sont mariés un an plus tôt dans la même commune d'Etampes, le 17 novembre 1913. L'origine de ses trois autres prénoms est bien connue :
  • Victorine : c'est le prénom d'emprunt d'une de ses arrière-grands-mères du côté de son père, Barbe dite Victorine Vincent (Nomeny 1830 - Lunéville 1874) ;
  • Adeline : c'est le prénom de sa grand-mère paternelle, Adeline Godot (Neuflize 1857 - Les-Pavillons-sous-Bois 1932) ;
  • Yvonne : c'est le prénom d'une cousine de sa mère dont elle était très proche, Yvonne Lucie Thiéry (Laon 1893 - Quessy 1980).

Du fait de la guerre, Giselle a vécu sa petite enfance sans son père et même longtemps après mais nous verrons cela plus tard. Elle était donc auprès de sa mère mais aussi de sa jeune tante maternelle Désirée Berthe Jeanne, dite Jeannette, Nique (Paris 1899 - Château-Thierry 1979) et de ses grands-parents maternels à Etampes-sur-Marne alors que le couple Bousse x Nique était domicilié en région parisienne.



Ma grand-mère petite fille avec sa mère, sa tante et ses grands-parents vers la fin de la guerre - archive personnelle


Pendant la guerre, son père était donc au front puis a été fait prisonnier et gardé captif à Darmstadt en Allemagne de 1915 à 1919. A son retour en France, ne voyant pas son épouse au foyer conjugal, Paul Bousse lui demande de revenir par mandat d'huissier ce qu'elle refuse. Il demande le divorce. Les raisons du refus ne sont pas officiellement connues dans la mesure où elles ne sont pas transcrites dans le jugement de divorce en 1920. Toutefois, d'après une vieille cousine que j'ai connue, le « Père Bousse » aurait été volage. Je n'y étais pas pour le constater et laisse donc cette hypothèse enterrée avec ceux qui l'ont crue.

Lors du jugement de divorce au tribunal de la Seine, Berthe Nique n'a pas constitué d'avoué ce qui l'a automatiquement mise à défaut au profit du demandeur. Ceci ne l'a pas empêchée pour autant d'avoir la garde de ma grand-mère et que son ex-mari verse une pension alimentaire.



Extrait du jugement de divorce - Source AD 95



Paul Victor Bousse se remariera très vite, la même année, avec Louise Boban (Paris 1888 - id. 1947) avec qui il aura une nouvelle fille, Yvonne Louise Victorine (Livry-Gargan 1921 - Mantes-la-Jolie 2006). Je doute que ce dernier ait usé de son droit de visite, autrement ma grand-mère aurait probablement eu vent de l'existence de sa demi-sœur. Je l'ai en effet découverte en 2016 au grand étonnement de mon père qui ignorait tout à son sujet. Cette histoire fera l'objet d'un autre article peut-être un jour.


Scolarité et adolescence avec un beau-père


Tout récemment, j'ai découvert chez mes parents le certificat d'études primaire de Giselle qu'elle a obtenu en 1927, dans sa treizième année :


Certificat d'études primaires de ma grand-mère délivré à Laon en 1927 - archive familiale



Grâce à ce document inespéré j'ai pu découvrir dans quelle école ma grand-mère a passé sa scolarité. Il s'agit de l'école publique de filles de la place Thiers à Château-Thierry. Elle existe toujours aujourd'hui sous le nom d'école élémentaire Louise-Michel sur la place renommée Victor Hugo :



L'école avant / après - source Delcampe et Google Maps



L'année suivante, en 1928, une nouvelle personne entre dans la vie de Giselle : sa mère se remarie avec Paul Emile Lécluse (Givet 1879 - Château-Thierry 1943). Ce second Paul est donc né dans les Ardennes et a une ascendance normande (Manche) par son père. Il a eu deux épouses avant Berthe :
  • Eugénie Marie Poncelet (Hierges 1880 - Givet 1932), divorcés, dont deux enfants :
    • Marie-Louise (Givet 1907 - La Rochelle 1960) ;
    • René Marcel Eugène (Givet 1909 - La Rochelle 1970) ;
  • Ernestine Quatrevaux (Monthurel 1892 - Château-Thierry 1926), décédée trois ans après leur mariage. Elle avait une fille d'un premier mariage, Lucienne Mallet, qui est devenue amie avec ma grand-mère.
Paul Emile Lécluse, alors beau-père de Giselle, était sous-chef de gare. C'est peut-être pour cela que ma grand-mère a décidé de faire carrière au chemin de fer.



Berthe Nique et Paul Lécluse - Archive personnelle

 

Ma grand-mère, enfant - archive personnelle



Déménagement à Paris et entrée au chemin de fer


Giselle et ses parents quittent Château-Thierry au début des années 30 pour s'installer à Paris dans le Xe arrondissement, plus précisément au 10, rue du Terrage, tout proche de la gare de l'Est. Le bâtiment est d'ailleurs habité par de nombreux employés du chemin de fer ancêtre de la SNCF (créée en 1938). C'est en février 1931 que Giselle intègre alors la société alors qu'elle n'a pas encore 17 ans. Elle y fera toute sa carrière dans ladite gare pendant 38 ans.



Résumé de carrière de Giselle Bousse - source archives de la SNCF


Sur le recensement de 1936, Giselle vit désormais seule, ses parents étant retournés à Château-Thierry suite au départ à la retraite de Paul Lécluse. Elle déménage par la suite dans la rue Paul Dupont, au numéro 11, toujours proche de la gare de l'Est.



On distingue bien la grandeur de la gare de l'Est sur la gauche - source OSM




Ma grand-mère au centre avec des collègues de la SNCF - archive personnelle



Les amours de ma grand-mère


Giselle Bousse est longtemps restée célibataire ce qui lui a valu bien de douces moqueries amicales de la part de ses amies de Givet. En effet, chaque année elle avait droit à plusieurs cartes postales pour la Sainte Catherine, même après avoir atteint l'âge de 25 ans. On lui souhaitait à chaque reprise de trouver « un petit mari ». Ah ! Cette époque qui voulait absolument que le mariage fasse partie intégrante d'une vie bien remplie. Heureusement, elle avait parmi ses amies cette fameuse Geneviève qui faisait sa rebelle des mœurs en lui disant « crois-tu que, vraiment, il soit si souhaitable que cela de songer à un mari ? ». Cette dernière finira tout de même par se marier à l'âge de 35 ans.

Quant à Giselle, après avoir été follement éprise d'un certain Pierre dont je ne sais rien et avoir éconduit un Lucien au grand dam d'une amie commune appelée Elyse, finira par rencontrer mon grand-père Marcel (voir lettre F) au début des années 40 dans la salle d'attente d'une voyante ! L'histoire ne dit pas ce qu'ils y faisaient ni si ladite voyante leur a prédit leur futur mariage. Puis ils seront un temps séparés du fait de la réquisition de Marcel par le STO qui l'envoya à Berlin. A son retour, ils se remettront ensemble ce qui ne plut pas plus à cette même Elyse d'après les lettres que j'ai retrouvées. Ils finiront par se marier le 4 août 1945 dans le Xe arrondissement de Paris. Elle a 31 ans, lui 38. De cette union naîtra un enfant unique, Bernard Gilles (Aubervilliers 1947 - Clamart 2017), mon père.




Ma grand-mère avec mon père en 1948 - archive familiale


On aurait pu croire ma grand-mère heureuse mais cela reste difficile à dire près de 80 ans après. Comme je l'écrivais dans l'article « Fin du Bal », on était encore à cette époque dans une société très patriarcale et mon grand-père était loin d'être une exception à la règle. D'une part, l'agrandissement de la famille aurait dû la conduire à déménager dans un logis plus adapté, les deux salaires le permettant, mais Marcel ne voulait pas quitter son quartier ni ses copains malgré ses promesses. Ils ne sont donc jamais partis de leur studio sis au 20 rue Henri Barbusse à Aubervilliers. D'autre part et outre le fait que Giselle avait des horaires de travail très contraignants, mon grand-père n'a pas laissé son épouse élever son enfant dans leur banlieue parisienne. Il l'a sommée de l'envoyer chez sa mère sans autre forme de procès si bien que mon père fut élevé par sa grand-mère à Château-Thierry jusqu'à l'âge de 10 ans. Cela laisse des traces, croyez-moi...


Départ à la retraite et fin de vie précoce


Après 38 ans de carrière à la SNCF où elle a fini avec le grade de receveuse de première classe, Giselle prend sa retraite le premier mai 1969. Elle venait de perdre sa mère, Berthe Nique, dix jours auparavant, le 19 avril. Elle ne soupçonnait alors pas qu'il ne lui ne restait plus qu'un an à vivre... Elle qui se réjouissait des préparatifs de mariage de son fils a vu le sort en décider autrement pour elle. Pendant des vacances passées à Vaas dans la Sarthe elle sera victime d'une intoxication dont je ne connais pas vraiment la teneur mais qui selon mes petits cousins (descendants de sa tante Jeannette) sera la cause de ses douleurs aigües à l'abdomen. Transportée à la clinique de la Roseraie d'Aubervilliers pour y subir une opération qui révèlera un cancer incurable, elle succombera deux heures après son réveil, le 19 avril 1970, sans possibilité de Dernier Adieu. Le mariage fut célébré le 30 mai suivant.



Photo de mariage de mes parents où il manquait une personne... - Montage à partir d'archive personnelle




En bonus, du même groupe :




3 commentaires:

  1. Impressionnant ! Ça se lit en apnée et ça laisse sans voix. Trop d’émotion sur laquelle tu as judicieusement posé les bons mots. L’exercice était difficile tu l’as parfaitement réussi je trouve. Bravo 👏👏

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  2. Je rejoins complètement Béatrice. Bravo pour cet article.

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  3. bravo pour cet article. Je rebondis sur le fait que la mère et la fille sont décédées à un an d'intervalle, le 19 avril. Ces coïncidences de date m'interrogent toujours sur le destin ...

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